L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

La Consolante
de Anna Gavalda
J'ai lu 2010 /  8.40 €- 55.02  ffr. / 634 pages
ISBN : 978-2-290-01428-8
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en mars 2008 (Le Dilettante)

Roman gourmand

Charles, la cinquantaine menaçante, est un fantôme dans sa propre vie : architecte surmené, mari trompé et incompris, beau-père à la relation difficile avec Mathilde qu'il adore pourtant, il cristallise tout son mal-être dans cette nouvelle qui lui tombe dessus comme une lame : Anouk, sa maman-bis de l'enfance, cette mère courage qui l'accueillait chez elle, avec pour nounou un travelo, et son fils Alexis, le meilleur-copain-de-pour-la-vie, est morte. «Sidération. État de sidération. C'est Anouk qui le lui avait appris ce mot. Quand la douleur est telle que le cerveau renonce, pour un temps, à faire son boulot de transmetteur. Cette hébétude entre le drame et les hurlements». C'est Alexis, perdu de vue depuis perpète, qui lui apprend la nouvelle, d'une lettre.

Alors, le monde gris et aveugle qui était le sien, entre un chantier sans saveur dans la Russie néo-capitaliste et de sourdes scènes de ménage à Paris, toujours avortées car, même là, l'énergie manque, prend une teinte noire. La nouvelle de ce décès crée ce précipité de sombre hébétude dans une existence opaque.

Parce qu'Alexis a, pour ainsi dire, abandonné le corps de sa mère dans un sinistre cimetière de banlieue, une de ces zones entre deux grandes surfaces, un échangeur d'autoroute et une décharge, bref, un no man's land d'où Anouk, c'est sûr, n'aura pas son apothéose, Charles part confronter son ami dans son pavillon de province.

Et c'est là que pour lui commence la consolante, cette partie dans le jeu, pour rien, pour le fun, passés les points : près du bled perdu où vit à présent son ami, il trouve une ferme aussi délabrée que splendide, de l'autre côté d'un petit pont chétif, où une femme, Kate, la belle Américaine, a aussi reconstruit sa vie, après ses propres drames. Elle vit là entourée d'animaux et d'enfants, de poésie, de belles choses. Charles tombe en amour et de Kate et du lieu ; il a trouvé l'oasis et y revient sans cesse : «Il ne se souvenait plus qu'elle était aussi belle que dans ses souvenirs.»

On dévorera ce roman d'Anna Gavalda, gourmand de la douce rondeur de ses 600 pages, de la saveur douce-amère, si âpre mais aussi si sucrée, d'une intrigue élaborée, intelligente et savamment dosée : le pathos est là mais il affleure, laissant à la pointe des mots et d'une syntaxe si particulière à l'auteur, séduisante, le soin au lecteur de pleurer s'il le veut, de sourire aussi, et de rire parfois. Bref, un régal, pour le fond comme la forme, un vrai roman comme il faut les aimer.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 10/06/2010 )
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