L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Arkansas
de Pierre Mérot
Rivages - Poche 2017 /  9,20 €- 60.26  ffr. / 410 pages
ISBN : 978-2-7436-3926-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Première publication en août 2008 (Robert Laffont)

Apocalypse now

Kurtz est un écrivain estampillé génial qui succomba dans un sabbat innommable qu'il avait lui-même créé : Arkansas, sorte de phalanstère perdu dans la fournaise andalouse, moins fouriériste dans l'âme que calqué sur une sorte de village Club Med avec un lavis mystique, l'adoration de l'Eau via rites orgiaques et buffets pantagruéliques alimentés au Carrefour du coin. Tout un programme ! Un aréopages de happy few y fut invité, intellos médiatiques, fans de l’œuvre du maître, stars décérébrées du show-biz... et beaucoup d'adolescentes... Et tous furent décimés dans un épilogue littéralement néronien, pasolinien, un feu d'artifice d'alcool, de mazout et d'organes...

L´histoire de Kurtz et de sa «secte» nous est rapportée par un certain Baragouin, plumitif anciennement junky mais toujours alcoolique, sauvé par Traum, écrivain moins célèbre que Kurtz, qu'il connut bien, qui est sa sorte d'antithèse... Dans la douceur rance du «foutoir», pièce justement nommée de son chez lui, Traum se livre sur son alter ego dionysiaque, cet usurpateur adoré de tous ; Baragouin, narrateur, est au poste du secrétaire ; il lui incombera de terminer l'histoire.

Une femme y joue un rôle non négligeable : Rita, jeune pute slave au caractère bien trempé, amante un temps de Kurtz - qui lui fut présenté par le clone à peine grimé ici de notre incontournable Frédéric Beigbeder -, qui lui fait malgré lui un enfant, Julien, génie précoce aux fourneaux, inventeur de saveurs et plats inédits ; elle l'élève avec José, capitaine d´un carrousel sur une plage perdue du Nord, mais retournera quand même à Arkansas réclamer au père son dû...

Dans cette fable hallucinée, conte férocement anti-moderne, Pierre Mérot semble s'en donner à cœur joie. Réactionnaire, provocatrice (parfois trop facilement : les homosexuels, les bofs incultes vivant au village, les métèques, l'Islam et les Francs-maçons en prennent pour leurs grades dans des saillies mi assassines mi câlines), la plume est résolument trempée dans une encre de droite, de la droite «anarcolique», conservatrice et exaltée comme pouvait l'être celles de Hussards trop imbibées ; il y a ici à la fois de la rondeur rabelaisienne et de la bile celinienne avec cette mise au goût du jour, un relâchement du sur-moi, une reddition quasi anale au ça : certaines scènes sont proprement pornographiques. Le rendu est convaincant - bravo ! - mais, âmes sensibles s'abstenir...

Quant au Kurtz en question, de qui est-il l'effigie ? Au fil des pages, des ressemblances affleurent, très vite en fait, avec un certain Michel H.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 22/05/2017 )
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