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Bande dessinéeet Historique  

L’Homme de l’année - 1871 - L’un des héros de la Commune de Paris
de Jean-Pierre Pécau et Benoît Dellac
Delcourt - Neopolis / Série B 2014 /  14.50 €- 94.98  ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2-7560-2917-7
FORMAT : 24x32 cm

Couleurs: Thorn

Au temps des turcos

1871, la Commune : la population parisienne se soulève contre le régime républicain, proclamé l’année précédente et installé à Versailles… Une guerre civile oppose Parisiens et Versaillais sous le regard goguenard des Allemands, qui encerclent la capitale. Mais bientôt, la semaine sanglante sonne la fin des combats, et l’heure d’une brutale répression. C’est le départ de cet album qui voit un groupe de communards se faire pincer par les soldats versaillais, et se retrouver face à un peloton d’exécution aussi sec. Sauf que le destin vient les aider en la personne d’un « sniper », un turco du nom d’Abdullah… un héros providentiel dont l’album nous conte l’histoire. Car Abdullah, venu du Soudan, est un enfant adopté par un explorateur, qui l’élève comme son fils. Mais bientôt, le jeune homme, chasseur né, trouve sa voie dans l’infanterie coloniale du Second Empire. L’aventure, les conquêtes, la guerre, un quotidien qui forge le jeune homme et lui donne bientôt une conscience du pays qu’il entend servir. C’est cette même conscience qui l’engage du côté de la Commune, des mutins de la République, pour une guerre désespérée… jusqu’au duel final.

Le « Turco de la commune », c’est une histoire vraie, qui inspira Alphonse Daudet, marqué par le destin de ce soldat, une histoire retracée ici avec toute la sympathie des auteurs pour une cause et une période mal connues. Retour à la Commune de 1871 donc et redécouverte, au travers de ses anonymes, des enjeux de cette révolte, loin de l’histoire écrite par les Versaillais. Pas de grands épisodes ici, ni des célébrités, mais le tout venant des communards, indignés par la défaite et l’attitude des Versaillais. En arrière plan, l’histoire d’Abdullah, le turco, retrace l’histoire politique du Second empire, les guerres du Risorgimento, l’Algérie (mais pas la Crimée, eh !) et la guerre de 1870 contre la coalition menée par la Prusse. Dans ce cycle guerrier, Abdullah survit, s’affûte, et réalise bientôt la réalité de sa condition, celle d’un soldat colonial dans un monde encore très ancien régime. La Commune, et ses engagements pour un nationalisme républicain, est presque un bol d’air pour le vétéran, toujours méprisé par des officiers très aristocratiques d’allure. Joliment mis en scène par Benoît Dellac, qui a su bien utiliser les représentations du Paris d’alors, cet album doit beaucoup au scénario, et à l’empathie communarde, de Jean-Pierre Pécau. On apprécie également les « gueules » de soldats, de communards, un brin caricaturales mais efficaces et qui donne du corps à tous ces personnages, naguères « chair à canon ». Une Commune de Paris vue du ras du sol, et qui donne enfin la parole aux humbles : une belle occasion de redécouvrir un épisode important de l’histoire de France, sans doute la dernière « révolution » parisienne, au rebours d’une histoire faite – encore et toujours – par les vainqueurs.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 01/02/2014 )
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