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Bande dessinéeet Manga  

Good bye
de Yoshihiro Tatsumi
Vertige Graphic 2005 /  12,00 €- 78.6  ffr. / 96 pages
ISBN : 2-908981-96-3
FORMAT : 17x24 cm

Petitesse et décadence

Le troisième recueil de nouvelles de Tatsumi publié chez Vertige Graphic s’ouvre sur l’épopée sentimentale d’un Japonais en France, où l’accumulation de petits riens quotidiens vécus comme des humiliations permanentes montrent du doigt un racisme ordinaire bien franchouillard. Les mésaventures parisiennes d’Agawa, pauvre étudiant nippon esseulé, mettent ainsi en exergue le gouffre qui séparent les deux cultures, avec pour toile de fond une capitale à la fois glaciale et déshumanisée (vue par un étranger) mais aussi parfois subitement pittoresque et touchante, qui rappelle combien Paris est une ville que l’on ne peut dompter...

S’ensuivent des portraits de personnages en proie à une morosité que rien ne dissipe jamais, laissés-pour-compte d’une société du bonheur qui n’a que faire de leurs petites vies étriquées et laborieuses. L’auteur parvient à faire transparaître toute la médiocrité de ce quotidien sordide, privé de joie et d’espoir, grâce à un trait réaliste qui ne recherche jamais le beau ni l’agréable, mais plutôt une authenticité désespérante.

Comme d’autres créations de Tatsumi, l’opus se montre difficile d’accès parce que terriblement sombre, explorant une fois de plus une certaine forme de misère humaine : celle de l’étroitesse de l’esprit et des sentiments. Ses protagonistes choquent avant tout par leur aridité et leur résignation, harassés par la dureté d’une existence paradoxalement fadasse.

À l’image de Nakazawa, le maître du gekiga s’essaie aussi au manga historique à travers la nouvelle Good bye en produisant une imagerie très proche de celle de Gen d’Hiroshima et parcourt au gré de ses envies les cinquante dernières années traversées par son pays : de l’immédiat après-guerre à la crise morale et économique des années 80 et 90, c’est une approche noire et tourmentée d’un Japon contemporain qui paie le prix fort d’une occidentalisation excessive que nous propose ici l’auteur. Avec tout de même un joli conte pour conclure, où percent une lueur d’espoir et un humour moins grinçant qui prouvent que Tatsumi sait aussi faire preuve de légèreté.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 19/03/2005 )
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