L'actualité du livre
Bande dessinéeet Manga  

Blue Heaven (vol. 1 et 2)
de Tsutomu Takahashi
Marvel Panini France - Generation Comics 2005 /  8,95 €- 58.62  ffr. / 160 pages
ISBN : 2-84538-483-1
FORMAT : 13x18 cm

La croisière s’amuse

Le tout nouveau et clinquant Blue Heaven, immense paquebot réservé à une richissime clientèle, croise par une sombre nuit glaciale une épave à la dérive. Après un court affrontement entre le capitaine du superbe vaisseau et son propriétaire, ce dernier cède à la demande du marin en acceptant de porter secours à la mystérieuse embarcation. Deux survivants seulement sont ramenés à bord, dont un terriblement choqué. Mais que s’est-il vraiment passé sur le petit bateau de pêche ? Et qui sont vraiment ces hommes ?

Ce palpitant huis clos maritime à l’atmosphère étouffante suscite un suspense orchestré avec maestria. Proche du manga d’horreur par sa violence et ses scènes de massacre, cette série nerveuse et intelligente sait aussi dénoncer rageusement la bêtise humaine. Le microcosme du paquebot dresse en effet une caricature vitriolée de la société contemporaine (notamment japonaise)- en exacerbant tous ses défauts. Le conformisme, le goût démesuré de l’ordre, l’importance de l’apparence sont autant de stigmates d’une communauté décadente qui sera plongée dans le chaos à la première anicroche. Un grain de sable suffit ainsi à enrayer la jolie machine et c’est avec bonheur que l’auteur lâche un électron libre déjanté dans ce bel univers rose bonbon, qui bascule dans l’horreur en un rien de temps.

L’occasion de révéler les démons qui hantent chacun d’entre nous, et en particulier le racisme inhérent à tout individu. En effet, européens et asiatiques finissent par s’affronter sans raison valable, réalisant une allégorie peu ragoûtante de la guerre qui finit toujours par opposer deux peuples différents, dont l’intolérance crasse les prive de jugement et de discernement.

Le spectre du totalitarisme voile subrepticement les pages du manga, chargé de relents nazillards plombant une atmosphère déjà pestilentielle. Avec la dénonciation de la manipulation des masses et la mise en exergue de la perversité de toute information, qui porte son lot indissociable de désinformation et de fumisterie. Si la foule est forcément grégaire, l’homme reste un loup pour l’homme...

On associe volontiers cette fable sombre et inquiétante à des productions telles que MPD Psycho (la programmation au crime) ou Old Boy (l’enferment prolongé et la folie expérimentale) qui offrent des protagonistes blasés de tout et déshumanisés, et suscitent un malaise poisseux. Tout simplement glaçant…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 25/01/2006 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)