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Bande dessinéeet Manga  

Le pays des cerisiers
de Fumiyo Kouno
Dargaud/Kana - Made in Japan 2006 /  10,00 €- 65.5  ffr. / 100 pages
ISBN : 2-87129-928-5
FORMAT : 15x21 cm

Hiroshima mon amour

Minami Hirano est une jeune couturière d’Hiroshima. Dix ans auparavant, la ville connaissait l’Enfer sur Terre avec le bombardement atomique américain. Mais les cicatrices ne sont pas refermées, et l’apparente insouciance de chacun masque une terrible interrogation : pourquoi ? Minami tente, elle aussi, de reprendre une existence normale, mais est sans cesse rattrapée par les visions de l’horreur qu’elle a vécue…

C’est au travers d’un one shot documenté et agrémenté de nombreuses explications de texte que l’auteur éclaire l’événement de la Bombe avec un angle d’approche intéressant, par le truchement d’une époque proche. On est ici en effet dix ans après le premier bombardement atomique subi par le Japon, contexte propice à l’instauration d’une ambiance très particulière, où le non-dit pèse sur une population qui tente de rester digne pour ne pas craquer.

Ce manga intelligent dépeint ainsi les interrogations d’un peuple qui a été bafoué par ses propres dirigeants et qui se révèle hanté par les milliers de morts qui ont jonché la ville à peine une décennie plus tôt. Minami s’interdit de mener une existence paisible, victime d’un bouleversant syndrome du survivant. Portant le lourd fardeau d’une culpabilité étrange, elle exprime parfaitement l’impossible oubli de la période la plus marquante de sa vie : « À chaque fois que je pense que je suis heureuse, à chaque fois que je pense que quelque chose est beau, je me souviens de toute cette ville que j’aimais tant, de tous ces gens… Je suis ramenée au jour où tout a disparu. Et j’entends cette voix qui me dit : "le monde où tu vis n’est pas ici". »

Puis apparaissent progressivement les effets secondaires de la Bombe, stigmates qui rappellent à l’ordre l’héroïne à chaque instant, la marquant du sceau de l’infamie : hémoptysies, asthénie, maladies de peau, toutes arborées comme un étendard paradoxalement salvateur. Minami affiche en effet une certaine ambivalence face à sa déchéance physique, comme si le fait de porter toutes les marques tangibles d’une irradiée avait une valeur rédemptrice, en mettant notamment fin à cette culpabilité sans fond qui la ronge. Pour souffrir d’avoir survécu à ses proches, encore faut-il être vivant…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 06/05/2006 )
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