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Bande dessinéeet Manga  

Histoire couleur terre (vol.1)
de Kim Dong-Hwa
Casterman - Ecritures 2006 /  15.95 €- 104.47  ffr. / 312 pages
ISBN : 2-203-39637-7
FORMAT : 17x24 cm

Jeu de mains, jeu de vilain

Ihwa vit avec sa mère, une jeune veuve. Cette dernière tient une taverne pour subvenir à leurs besoins. Et les médisances vont bon train : d’aucuns éprouvent le plus grand mal à tolérer la liberté et l’indépendance de ces deux femmes.
Mais une difficulté bien plus ardue attend cette mère isolée : répondre aux incessantes et très pressantes questions d’Ihwa sur les choses de la vie…

Après avoir exploré non sans nostalgie le monde de l’enfance, Dong-Hwa nous emmène aux temps des premiers émois, qu’il dépeint avec une pudeur touchante. C’est avec de petites touches prudentes que ce manhwa brosse la difficile période de la puberté, de crainte de briser ces instants suspendus chargés d’un espoir fou. Ihwa se trouve en proie à un désir naissant et à l’éveil d’une libido incontrôlée qui la troublent intensément. Des quiproquos amusants sur la sexualité lorsque l’on est âgée de sept ans à la dialectique sensuelle et tumultueuse de l’enamourement de l’âge adulte, l’auteur décline les innombrables facettes que revêt l’amour. Présent en chaque chose, et en particulier dans la nature (fleurs, vent, pluie), c’est bien lui qui fait tourner le monde, semble vouloir nous dire Dong-Hwa, qui réalise ici une approche très naturaliste du sentiment amoureux. Usant d’allégories et d’un symbolisme foisonnant pour évoquer cette relation unique, Histoire couleur terre s’attache à l’importance du verbe mais aussi du signe dans la communion des êtres, langage nuptial transgénérationnel et transculturel si difficile à cerner. Le moindre rougissement ou battement de cils trahissent parfois bien plus qu’une parole, et les jeux d’enfant sont rarement innocents…
Mais l’amour peut-être drôle aussi. Quelques scènes au réalisme cru viennent nous le rappeler, interrompant bruyamment le lyrisme des personnages. Le manhwa évite ainsi l’écueil de la mièvrerie en nous offrant la première pollution nocturne d’un moine bouddhiste et les premières règles d’Ihwa. Roman d’apprentissage lumineux et sans fausse pudeur, l’œuvre se fait éloge de la féminité. La Femme, élevée sur un piédestal, se libère du joug de la tradition et vit avec grandeur ses paradoxes : déchirées entre passion et raison, chair et intellect, Ihwa et sa mère sont les orfèvres de l’art délicat de la séduction. La grande complicité qui les unit en devient parfois troublante, s’apparentant à un homoérotisme largement sublimé. L’image de l’Homme, plus contrastée, oscille entre des figures d’ivrognes rustres et des personnages plus raffinés, aimants et protecteurs.
Du trait sobre et honnête de Kim Dong-Hwa naît un esthétisme à la sensibilité hypertrophiée et un humanisme chaleureux. Une étrange poésie au doux parfum de lys et de roses mélés.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 31/10/2006 )
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