Bande dessinée
Manga de Kazuo Kamimura et Hideo Okazaki
Asuka 2008 / 9,95 €- 65.17 ffr. / 254 pages
ISBN : 978-2-84965-372-2
FORMAT : 13x21 cm
À la vie, à l’amour
Yukié, à l’instar d’une veuve noire machiavélique, complète son triste tableau de chasse. Après avoir abandonné deux hommes, elle pousse au suicide son troisième amant. La jeune femme finit par retrouver sa mère, qui l’avait abandonnée dix-sept ans auparavant, mais les retrouvailles sont tendues, voire hostiles.
La patte d’Okazaki, racée et intransigeante, est aisément identifiable dans cette œuvre mettant en scène des destins de femmes hors du commun, volages et cruelles, mais aussi profondément malheureuses. Yukié, dont la personnalité limite fascine, affiche une froideur affective déroutante. Victime de carences affectives graves, cette mal-aimée incapable du moindre sentiment s’érige en aventurière de l’amour. Les relations tumultueuses qu’elle connaît, sous des faux airs passionnés, trahissent toute la perversité et le talent manipulateur de cette héroïne au cœur de pierre. Pour cette femme qui ne dissocie pas l’amour du désespoir, la découverte de la sensualité semble devoir passer par une dose de souffrance incompressible.
L’histoire de vie mouvementée que nous présentent ici les auteurs, avec une quête d’identité qui tourne à l’obsession, aborde la sexualité féminine sous un angle décomplexé et violent : inceste, trahison, prostitution, rapport pathologique à la mère, autant de thématiques sulfureuses qui permettent à Kamimura et Okazaki d’explorer les bas-fonds de l’âme humaine avec un sens clinique impitoyable.
Ces vies de débauche et de malheur, au cours desquelles les protagonistes semblent s’acharner à détruire ce qu’ils affectionnent le plus au monde dans un élan d’auto-sabordage suicidaire, distillent un malaise insidieux. La douleur lancinante qui émane de chacun des personnages est magnifiquement mise en exergue par des décors flamboyants représentant une nature vengeresse, les éléments déchaînés entrant en résonance avec le tumulte intérieur des êtres désespérés que nous dépeignent les auteurs.
Saga romanesque et poétique, Le fleuve Shinano est une œuvre torturée qui n’apporte aucun apaisement et sème le trouble dans le cœur du lecteur.
Océane Brunet
( Mis en ligne le 29/04/2008 )
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