Bande dessinée
Comics de Hugh Sterbakov et Leonard Kirk
Delcourt - Contrebande 2007 / 14.95 €- 97.92 ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-7560-0818-9
FORMAT : 17,3x26,4 cm
Créé par Hugh Sterbakov et Seth Green
Super héros academy
Un bon super héros se juge à la qualité et au prestige de ses pouvoirs. Et de ce point de vue là, les Freshmen ont plutôt du souci à se faire puisque les facultés extraordinaires qu’ils ont accidentellement acquises ne sont pas toujours du meilleur effet pour parader au-dessus des buildings. Ainsi, Charles peut désormais comprendre le langage peu fleuri des plantes vertes, Jimmy est devenu un papier tue-mouches vivant, et le pauvre Ray vient d’hériter d’un pénis trop long pour être vrai, faisant passer Rocco pour un schtroumpf. Le reste de la troupe se compose d’un Amish timide qui peut faire trembler le sol en agitant sa bedaine, d’un matheux toujours torché et auteur de monstrueux rots qui assomment tout à la ronde, d’un couple d’amoureux vaches capables de télékinésie dévastatrice, d’une medium, d’un homme écureuil et enfin d’une gironde jeune femme qui peut faire tomber amoureux d’elle n’importe qui. Le leader du groupe est un fan de comics, un geek de première, qui a malheureusement eu la mauvaise idée d’aller cherche une pizza alors que tous ses copains étaient irradiés par l’invention du docteur Tomlinson. Enfin, le groupe ne serait pas complet sans sa mascotte, un castor extrêmement intelligent qui raffole des longs mots, et totalement monomaniaque : il veut construire un barrage !
Au premier abord, Freshmen semble jouer la carte de la parodie du comics classique. Les jeunes gens sont des Peter Parker en puissance, d’abord adolescents sans histoires jusqu’au jour où un accident de laboratoire change irrémédiablement leur physiologie… et le cours de leurs vies. Mais avec les drôles de pouvoirs qu’ils obtiennent et leur inaptitude à s’en servir, ces nouveaux super héros n’ont rien de très fringants. Plus on avance dans la lecture, plus le comics perd de son côté burlesque ; les destinées brisées se révèlent et les complexes de chacun pèsent sur les comportements. La mélancolie profonde affleure même lorsque la jeune Paula force le bellâtre de la bande à tomber amoureux d’elle… avant de regretter son geste et de s’enfermer dans un coma salvateur. La série oscille alors efficacement entre le récit initiatique, l’humour décapant et le comics pur. Les amateurs du genre seront comblés par ces détonantes variations et les autres trouveront là une réjouissante relecture des codes et des clichés.
Avec originalité et beaucoup d’humour, Seth Green et Hugh Sterbakov dépoussièrent les capes et nettoient à sec les collants. S’ils ne marchent pas sur les mêmes plates-bandes qu’un Alan Moore, plus cérébral, les auteurs s’autorisent plusieurs débordements qui contribuent grandement au charme de la série. Provocateur et explosif, le comics se permet quelques cinglantes réparties et si l’ensemble n’est pas toujours de la plus grade finesse, le renouveau qui souffle ici emporte pas mal de réserves. La djeunz génération en prend pour son grade et les ados attardés ont les bretelles qui tirent. L’identification est toute trouvée et l’apprentissage par lequel vont passer les différentes recrues apportera maturité et acceptation de soi. Sterbakov alterne les points de vue avec habileté, et élabore des découpages toujours efficaces, apportant à chaque épisode une construction précise et une profondeur bienvenue.
Cette édition française regroupe les six numéros de la première mini-série des Freshmen parus aux USA d’août 2005 à mars 2006 chez le label Top Cow. Les lecteurs français avaient découvert les trois premiers numéros de cette réjouissante série dans la revue Top Comics avant de rester sérieusement sur leur faim suite à l’arrêt du magazine ; l’occasion est donc ici donnée de retrouver la suite des aventures de ces super héros vraiment différents. Seule petite déception avec cette édition, l’absence des pimpantes couvertures originales de Rodolfo Migliari.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 24/07/2007 )
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