L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Les Somnambules
de Randall C.
Casterman 2009 /  24 €- 157.2  ffr. / 104 pages
ISBN : 978-2-203-01903-4
FORMAT : 24x30 cm

Absurdonirique

Qu’est-ce qui peut pousser un couple d’apparence tranquille (lui arrose les plantes, elle bouquine dans un fauteuil) à vivre une aventure extraordinaire au-delà des océans, croisant une ribambelle de créatures imaginaires, un navire portugais, des marins naufragés et des baleines qui volent ? Le fantastique est au bout de la rue ? Ou est-ce plutôt le rêve et ses rubans de douce folie qui se déroulent amplement autour de lambeaux de réalité ? Le monde de Randall C. passe du coq à l’âne, d’un coin d’appartement à une île lointaine, d’un songe à un autre.

Il faut toutefois accepter ces non-règles du jeu, sous peine de laisser voguer ces personnages sans nous. Les errances fantaisistes ici décrites manquent il est vrai au départ d’un certain appui auquel pourrait s’accrocher le lecteur. C’est un parti pris de l’auteur, c’est un pari pris sur le degré d’attention du lecteur. Il faut aussi accepter ce rythme un peu lent et saccadé, chapitres entrecoupés comme une suite de réveils brutaux entre deux rêves. Accepter enfin ce style graphique pas forcément toujours réjouissant, un trait nonchalamment jeté, « à la Blutch », capable du meilleur mais souvent un brin paresseux. De plus, si la mise en couleurs joue sur une suite d’ambiances à la bichromie élégante, l’ensemble est un peu triste pour ne pas dire ennuyeux.

Une fois ces contraintes esthético-narratives intégrées, le lecteur ne pourra que se réjouir de ce voyage qui ne ressemble à aucun autre. La deuxième partie du livre surtout, lorsque les fils narratifs se nouent enfin, trouve le tempo idéal, balançant des scènes absurdes au sein d’une véritable intrigue avec rebondissements et moments de bravoure.

On sent le travail de Randall C. comme porté par une imagination mesurée, coincée quelque part entre les déraisonnables raisonnements d’un Lewis Caroll, l’absurde d’un Beckett, et l’esprit d’aventure d’un Jules Verne. Bref, que ce soit par le rêve, le voyage ou l’humour, tous les moyens sont bons pour s’échapper, fuir un quotidien trop lisse, pour finalement, peut-être mieux le retrouver et l’apprécier. Les somnambules de Randall C. rêvent, espèrent, se posent des questions (de langage, d’identité, ou sans queue ni tête…), mais ne restent jamais inactifs, et font toujours la part belle à leur invention. Un nuage dans le ciel et c’est tout un récit qui est imaginé par l’un des personnages.

C’est dans cette quête continuelle de fantaisie et de création que le livre trouve ses plus beaux moments. Un univers très particulier, exigeant, mais au final rempli de séduisants instants.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 02/02/2009 )
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