Bande dessinée
Fantastique de Lewis Trondheim
Dupuis 2011 / 11.95 €- 78.27 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2800149929
FORMAT : 21x29 cm
Little big man
Oh oh, le retour de Lewis Trondheim ? Tandis que la très délirante série Donjon coule gentiment (y-a-t-il encore un pilote sur ce Titanic ?), Trondheim revient, en solo, à la fantasy un peu humoristique avec un nouvel anti-héros, Ralph Azham ! Alors forcément, la comparaison s’impose ! Voyons donc qui succède à Herbert et Marvin… ?
A priori, Ralph Azham a bien un côté Herbert : un peu tire-au-flanc, un peu agaçant avec son air de donner constamment des leçons sur un ton pince sans rire, un peu pénible à force de jouer les victimes… Ralph est « un peu » le bouc émissaire du village… et tout cela pour une simple raison, c’est qu’il n’est pas l’élu, ce personnage attendu, guetté par les autorités de la capitale, Astolia, qui écument les campagnes pour trouver leur prophète. Le village lui en veut de n’être que différent, la peau blanche, pas unique… Et Ralph supporte, détaché, patient, presqu’amusé. Mais lorsqu’une menace, la Horde, se précise, les égoïsmes vont croître, les tensions se multiplier, les haines se découvrir… Et pour Ralph, c’est finalement le moment de vérité : sur lui, son destin, son échec et son avenir. Mais pour cela, Ralph doit faire des choix, assumer certaines vérités, et jouer enfin ce rôle de sauveur si longtemps refusé…
La relève de Donjon donc ? Oui et non : si le graphisme, et une certaine fantaisie dans la manière de s’approprier des personnages, de façonner des personnalités forment la « patte » Trondheim (en particulier les dialogues, mais aussi les caractères – un héros un peu largué, caustique et détaché, une héroïne forte et libérée, gentiment manipulatrice), il y a dans cet album une gravité nouvelle, différente de la série co-écrite avec Sfar, un ton plus dramatique (le drame fondateur de tous les bons romans héroïques) qui rappelle déjà le dernier Lapinot et son jeu autour du destin. La question du titre n’a rien d’artificiel et renvoie à une interrogation forte, à peine allégée par les aventures du héros. Mais l’aventure est là. On reconnaît un bon album au rythme autant qu’à la mise en scène et en ce domaine, Trondheim fait la démonstration de son talent : l’histoire se lit d’une traite, sans temps mort ni raccourcis hermétiques. Tout est bien amené et les péripéties, révélations s’enchaînent parfaitement jusqu’à un final, provisoire, qui appelle vite une suite. L’univers de Ralph Azham est également, à première vue, plus sobre, moins parodique, que celui de Donjon : un récit d’heroïc fantasy intimiste, où un héros, en devenir, se confronte au destin… Classique, mais efficace. Une série prometteuse donc, qui ne décevra pas les amateurs de Trondheim, en espérant que les questionnements de Désoeuvré sont désormais de l’histoire ancienne.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 25/04/2011 )
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