Bande dessinée
Fantastique de Daniel Lieske
Dupuis 2014 / 14.50 €- 94.98 ffr. / 128 pages
ISBN : 9782800161099
FORMAT : 24,4x17,4 cm
Celui qui franchit les écrans
Jonas rêve, Jonas dessine. Deux activités à temps plein qui ne sont pas trop conciliables avec les exercices de mathématiques de Mme Rubens. Au lieu de profiter des vacances d'été pour préparer sa rentrée en sixième, il déjoue la surveillance de son père et recopie les devoirs d'un camarade. Il préfère largement aller jouer dans la forêt pour combattre des monstres imaginaires et échapper à de terribles dangers virtuels. Un beau jour, un insecte s'échappe littéralement de ses dessins et l'entraîne dans l'obscurité. En le suivant, Jonas bascule dans un monde de fantasy, un univers peuplé de créatures menaçantes et de mystérieux étrangers. Son voyage ne fait que commencer.
Tout commence en effet par le rêve et par le dessin. L'histoire de Wormworld Saga est d'abord celle d'un graphiste allemand, Daniel Lieske, qui répond à l'absence d'industrie de la bande dessinée dans son pays en se lançant dans une publication en ligne gratuite. Le succès indéniable sera ainsi suivi d'une édition papier, à même de prolonger l'aventure de l'œuvre.
La part la plus remarquable tient au dessin, réalisé directement à la tablette graphique et en couleurs directes. Cette peinture numérique réconcilie la bande dessinée avec les effets Photoshop, les dégradés et les lumières artificielles. Le soleil et les ombres y jouent sans cesse, caressant les éléments du décor et déployant tendresse et émotion. Les expressions des personnages, plus schématiques, passent au second plan. Cet univers très varié tranche avec la moyenne des webcomics et montre les richesses potentielles des initiatives numériques.
On profitera beaucoup du dossier en fin d'ouvrage : Lieske y raconte en détails la genèse de son récit et les différentes étapes de son processus créatif. On découvre alors l'émergence de plusieurs peintures avant même la gestation du scénario. La fantasy, genre encore riche en codes et en conventions, se prête bien à un tel exercice, où les étapes sont définies structurellement et peuvent supporter l'improvisation. Le récit en lui-même est tout à fait classique, mais bien maîtrisé, que ce soit sous la forme du scrolling originel en ligne ou dans cette recomposition pour papier. La narration est lente, mais fournie. Pourtant, les personnages se rapportent à des fonctions basiques, présentant des caractères simples ; mais chaque action est découpée avec précision. En cohérence avec le genre, le squelette classique d'un voyage en fantasy s'est enrichi d'une pensée en image, avec quelques idées très concrètes (la pelote de laine censée maintenir le contact entre Jonas et son monde d'origine, par exemple).
Nous avons bien le sentiment d'accompagner un artiste dans sa démarche, de la première idée jusqu'à la réalisation de ce qui porte bien le nom de « saga ». Une autre façon de vivre l'aventure au-delà du quotidien.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 31/03/2014 )
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