L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Sous la maison
de Jesse Jacobs
Tanibis 2018 /  18 €- 117.9  ffr. / 96 pages
ISBN : 9782848410456
FORMAT : 19x26 cm

Hallucinogène

Dans la cave de la maison, il y a la buanderie, et la machine à laver. Et lorsqu’on pénètre dans la machine à laver, à la recherche d’une chaussette perdue par exemple, il se peut qu’on pénètre dans un autre monde. Un univers fantastique et coloré (des couleurs suivant invariablement le même ordre d'apparition), une autre dimension peuplée de créatures étranges, un endroit qui ne possède pas la même logique géométrique, que notre monde, qui n’a pas la même temporalité et qui vous fait devenir complètement autre. Là-bas, votre corps se transforme peu à peu, il devient, sous une silhouette encore vaguement humaine, un ensemble de lignes courbes et colorées.
Pour Daisy, la jeune fille qui a découvert cet endroit incroyable, c’est devenu un refuge. Car dans cette banlieue noire et triste, la vie n’est pas forcément facile pour la petite nouvelle de l’école, qui essaie de s’intégrer aux autres.

Voilà pour le script pur. Mais, on commence à le savoir, après les deux précédents livres de Jesse Jacobs, il y a tout un univers qui se déploie sous les mots. Jacobs aime prendre son temps dans ses pages et déployer dans ses planches tout une ribambelle de graphismes fous qui évoluent de case en case, avec une belle rigueur mathématique et une logique toute cartésienne, faisant penser à ces séquences d’images virtuelles générées par ordinateur, mais issues cette fois d’une main experte. Ainsi, même s’il ne se passe « rien » dans la narration, le dessin évolue et les métamorphoses continuelles et multiples du trait imposent un rythme de lecture quasi cérémonial. On ne passe pas rapidement sur ces planches mais on prend plaisir à voir évoluer les formes d’une vignette à l’autre, comme des photogrammes choisis avec soin issus d’une séquence animée inédite.

C’est un ravissement pour les yeux mais au-delà de l’exercice formel réussi, derrière ce côté un peu autiste d’une mise en scène très encadrée, il y a cet humour un peu triste qui parcourt ces planches : une belle évocation de l’âge ingrat, et des émotions adolescentes qui oscillent entre sensibilité pure et débilité profonde.
Sous la maison est une nouvelle pépite d’un auteur résolument à part, et pas si obscur qu’il n’y paraît.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 12/10/2018 )
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