L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Reanimator
de Florent Calvez
Delcourt - Mirages 2008 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2-7560-0919-3
FORMAT : 16,7x25,7 cm

Lovecraft viscéralement

Howard Philip Lovecraft a ses fidèles, amateurs d’un fantastique à l’ancienne, au style classique, voire victorien, un fantastique qui joue sur les atmosphères et les ambiances pour emmener son lecteur, doucement mais sûrement, jusqu’à une vérité finale et en générale terrifiante… Un auteur classique, étonnamment actuel (voire indémodable) et toujours envoûtant : une institution en somme et il n’est jamais très évident de s’attaquer à une institution. C’est pourtant ce que vient de faire, avec brio, Florent Calvez (un habitué du fantastique un peu décalé avec Nelson Lobster), en adaptant une nouvelle classique du maître de Providence, Herbert West, réanimateur.

L’histoire est classique, celle du jeune médecin tout à la fois solitaire, étrange, passionné et brillantissime, le « savant fou » qui veut percer les mystères de la vie et les vaincre… En l’occurrence, le récit est à la première personne, celle d’un ami et témoin des tentatives d’Herbert West pour ressusciter les morts, et vaincre la Camarde, tentatives qui ne font qu’accoucher de zombies peu coopératifs, voire pire… car il ne faut pas jouer avec des forces qu’on ne maîtrise pas.

Chez Lovecraft, tout est dans l’ambiance et le choix des mots, et Florent Calvez l’a parfaitement compris : il s’est tout à la fois emparé de la nouvelle pour en restituer la substantifique moelle, par la grâce d’un graphisme inspiré, en sachant s’effacer devant le texte. Le résultat aurait forcément conquis Lovecraft lui-même. Dans l’atmosphère glauque et désespérante d’une petite ville américaine du XIXe siècle, Herbert West déambule, son regard enfantin derrière des lunettes de savant. Il a l’air sage et gentil, version adulte et monomaniaque d’un Harry Potter, mais ses projets sont grandioses et fous en même temps. La mise en scène est sobre et volontairement classique : pas de cinémascope ni d’effets forcés, mais au contraire, une attention clinique pour les visages, les postures, les corps et les ombres (à commencer par la couverture, caravagesque). L’album, monochrome, couleur sépia, distille subtilement l’angoisse jusqu’au dénouement final ; rien de gore ni de sanglant, à peine quelques zombies très humains, l’horreur n’est pas visuelle, elle est insidieuse. Bref, une adaptation magnifique qui, il faut l’espérer, en appellera d’autres de la même qualité. Lovecraft réanimé par Calvez… un programme d’avenir !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 06/05/2008 )
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