L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Les Petits Riens (tome 3) - Le Bonheur inquiet
de Lewis Trondheim
Delcourt - Shampooing 2008 /  11.50 €- 75.33  ffr. / 136 pages
ISBN : 978-2-7560-1456-2
FORMAT : 14,7x21 cm

Bonjour, monde cruel !

Depuis que Lewis Trondheim est devenu chevalier (des arts) et qu’il a froidement exécuté Lapinot (Rrraaaaahhhh !!!!), on peut dire que l’univers de la bande dessinée a évolué : l’ego s’est démocratisé (en partie grâce à la belle collection Shampooing) et finalement, le meilleur personnage de Trondheim, c’est Trondheim lui-même. Pratiquant l’autocritique comme un sport de combat, Lewis Trondheim a érigé le regard distancié, ironique, sur soi et l’univers à la hauteur d’un genre littéraire. Cela donne ses fameux carnets, une tradition commencée dans les années 90 à l’occasion des voyages dans les divers festivals BD du monde (et publiés par L’Association), et qui se perpétue désormais (à un tarif plus abordable) dans la collection Shampooing des éditions Delcourt, collection dont Trondheim est le patron et le sherpa.

Voici donc « Le Bonheur inquiet », troisième carnet de la série des Petits Riens, et le premier constat que l’on a envie de faire, c’est que Trondheim, en dépit de ses propres dilemmes (cf. le sombre Désoeuvré, à l’Association, interrogation douce-amère sur l’avenir, et la vieillesse du dessinateur de BD), persiste à observer son quotidien avec une fantaisie douce, distanciée, qui emporte son lecteur. Ces petits riens sont de grands tout plein de choses, d’images, de gens, d’émotions, de rigolade, de doutes, de constatations, de réflexions de tout ordre et plutôt improbables (vous le connaissez, vous, l’inventeur du suppositoire ?). Qu’il défie – à posteriori – la FNAC ou qu’il chasse la souris, qu’il regarde un match de rugby ou qu’il nage au milieu des requins (un seul en fait, mais bon, c’est du stress), Trondheim reste en retrait, comme s’il commentait, avec son lecteur, un album photo, en rigolant doucement. Et puis il y a les voyages, les festivals… une source d’inspiration majeure pour ce grand inquiet : invité aux Fidji ou à la Réunion, Trondheim retrouve à la fois ses vieux réflexes hypocondriaques et ses habitudes de voyageur habitué au jet-lag et au valises cabine. Un peu addict à internet, un peu dépassé par ses enfants qui grandissent, un peu sceptique, un peu enthousiaste, un peu fatigué… les aventures de Lewis sont celles de Mr Tout le monde, mais la sauce Trondheim est unique, et à la lecture, on se surprend (un peu comme Monsieur Jean, ou comme l’excellentissime blog de Boulet, également chez Shampooing) à se dire, tel un Flaubert moderne, « Lewis Trondheim, c’est moi ! ».

… Mais il n’y en a qu’un seul, et c’est déjà beaucoup. Alors si la vie d’auteur de BD starisé vous branche, si vous voulez connaître un frisson (même grand), si vous pensez que l’humanité n’en a plus que pour quelques millénaires et qu’il est temps de se la couler douce en lisant quelques bons albums, si vous en avez marre des Mémoires d’outre tombe ou si vous avez un peu de temps à gagner, lisez ce « Bonheur inquiet » !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 24/11/2008 )
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