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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Bien des choses
de François Morel et Rabaté
Futuropolis 2009 /  19 €- 124.45  ffr. / 104 pages
ISBN : 978-2-7548-0314-4
FORMAT : 18x22,5 cm

Adaptation de la pièce de théâtre Bien des choses dont François Morel est l’auteur et l’interprète, en compagnie d’Olivier Saladin.

Cartes du monde

Dans son dernier spectacle, François Morel continue d’explorer les vides et les pleins des banalités du langage. Une forme de quotidien qu’il exprimait déjà dans les spectacles et les courts-métrages de Jérôme Deschamps qui l’ont fait connaître : la présence avec lui sur scène de son compère Olivier Saladin confirme la cohérence de leur parcours. Les deux hommes lisent l’un après l’autre des cartes postales que s’échangent les Rouchon et les Brochon, deux couples sans aspérités aux nombreux souvenirs de vacances et anecdotes inutiles. Jusqu’au moment où les échangent basculent dans le farfelu ou le tendre. La mise en scène et le décor sont réduits au strict minimum, mais les deux comédiens réussissent la gageure de donner du poids à ces minces éléments et d’accrocher le spectateur sans le lasser. Une lecture drôle et brillante, qui bascule dans le jeu traditionnel aux moments les plus inattendus.

François Morel a commencé à écrire ces cartes pour une émission de France Inter, avant de les mettre en scène. Ce texte épistolaire plus que dramatique se marie forcément bien avec l’objet papier : Futuropolis en propose le texte, purgé des commentaires et des jeux scéniques, mais illustré par Pascal Rabaté. Celui-ci, d’ailleurs, amateur du décalage intime, ne dépareille pas dans l’univers de Bien des choses. Pourtant, ce n’est pas un hasard si le nom Rabaté est en parenthèses sur la couverture : son apport reste minime. Il semble que le dessinateur a eu du mal à s’insérer dans son rôle d’illustrateur, ou qu’il n’a pas voulu, au contraire, mordre sur la présence du texte. Quoi qu’il en soit, il sort trop peu d’une tâche d’illustration assez superficielle, ajoutant souvent aux lettres déjà claires des images légèrement redondantes.
Après tout peu importe ; le texte se suffit à lui-même, et les illustrations ont au moins le mérite d’en rendre la lecture plus agréable et de restituer la distance que mettent les comédiens sur la scène. Comme toute bonne carte postale, celles-ci donnent un petit aperçu visuel du voyage (théâtral), sans pour autant pouvoir le donner à vivre. Mais en gardant leur substance tendre ou humoristique.

On apprécie à la relecture ces cartes qui se transforment en lettres, ces moments de banalité qui se transforment en aveux intimes. L’absence des commentaires des comédiens est un leurre, car toutes les phrases, même les plus innocentes, cachent un regard affectueux et amusé.
L’ironie est toujours présente. Jusque dans l’expression mise en épingle pour le titre, « bien des choses », qu’on écrit lorsqu’on n’a plus rien à dire. Le voyage, source de rêves d’absolus, est rapporté au tourisme et aux soucis du quotidien. Avec lui, les clichés sont traqués, exposés, admirés. Le personnage de François Morel est très fier d’avoir pu deviner la fin d’une phrase de la carte postale que lui lit son voisin. C’est au spectateur, au lecteur, de terminer ensuite la démarche : en prenant du recul, en se reconnaissant, en se replongeant avec plaisir dans l’écriture de ses propres cartes postales.


Clément Lemoine
( Mis en ligne le 19/10/2009 )
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