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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Vive la classe !
de Baru
Futuropolis 2011 /  16 €- 104.8  ffr. / 64 pages
ISBN : 9782754805742
FORMAT : 21,5x29 cm

Service compris

Jusqu’en 1966, les appelés au service militaire devaient passer devant un conseil de révision, qui déterminait qui était bon pour le service et qui ne l’était pas. C’était la déclaration officielle de l’âge d’homme, la réalisation virile du conscrit, qui fêtait ça à grand coups de bouteilles, de rubans et de braguettes.
Hervé Baru a connu ça. Avec la classe 1968, il a fait partie de la dernière génération à passer le conseil de révision. Et il s’en souvient.
Vingt ans après les faits, Vive la classe est pourtant un de ses premiers livres, entre La Piscine de Micheville et Le Chemin de l’Amérique, réédité ici avec une préface inédite. L’œuvre d’un auteur encore en devenir, loin de son Grand Prix de la ville d’Angoulême, mais déjà très déterminé quant à ses thèmes et son style. La courte tranche de vie d’un adolescent, passée à boire et à se promener en cherchant les filles.
La guerre d’Algérie n’est pas finie depuis longtemps, et les conscrits bénéficient encore de l’indulgence réservée à ceux qui vont peut-être mourir. Il y a dans l’air une ambiance de sang chaud, de folie et de viol. On a beau rester dans le domaine du quotidien, Baru laisse planer une tension qui nous fait toujours craindre la tragédie.
Et puis l’amour est là, aussi. Celui du jeune Hervé pour la belle Marie Caruso, la Madelon, pas farouche mais intimidante. En quelques cases, l’auteur brosse le portrait de personnages justes et évidents. Le narrateur en fait partie, avec ses courages inattendus et ses hésitations. Baru n’a jamais pris le chemin d’une autobiographie réfléchie, à la manière des mises à nu de Rousseau ou Joe Matt. Mais il transforme son vécu en une histoire enlevée, faisant de lui-même et de ses contemporains des personnages authentiques.

Vive la Classe n’a rien perdu de sa modernité, plus de vingt ans après sa sortie. On y retrouve la force et le dynamisme d’un auteur sincèrement attaché à rendre compte. Il ne cache rien, n’invente rien non plus. Mais dispose les éléments pour en faire un récit attachant et accrocheur.
Cet album est à ranger à côté des années Spoutnik ou de Quéquette Blues, d’autres souvenirs de jeunesse du même tonneau. On y retrouve les villes ouvrières du Nord, les traditions populaires et l’immigration italienne : cette partie de l’Histoire de France que la fiction ne s’empresse pas de revisiter d’habitude.

« La classe », c’était aussi le moment où les descendants d’immigrés étaient reconnus comme français, le « bon pour le service » fonctionnant comme un diplôme d’intégration pour les jeunes italiens. Mais une fois la semaine terminée, de retour au lycée, Hervé se voit ramené au statut d’immigré de service. Et il se rend compte, à nouveau, qu’il devra ses réussites à lui-même plus qu’à l’institution.
Les premières pages de l’album sont en noir et blanc. Puis la couleur arrive, discrètement, et sans jamais sauter aux yeux. Une façon de nous rappeler que c’est un album-photo que Baru feuillette avec nous, mais aussi que l’Histoire nous appartient.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 07/02/2011 )
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