L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Être là avec Amnesty international
de Christophe Dabitch et Collectif
Futuropolis 2014 /  24 €- 157.2  ffr. / 184 pages
ISBN : 978-2-7548-1131-6
FORMAT : 19,5x26,5 cm

Pas seulement une bonne action…

Il existe diverses manières de donner à une cause : Amnesty international a besoin non seulement de dons, mais également de regards, d’écoute, d’attention, afin que les scandales et les crimes qu’elle dénoncent ne restent pas impunis. Tel est l’enjeu de ce bel album, fruit des enquêtes de Christophe Dabitch à travers le monde, et de ses échanges avec des membres d’Amnesty, spécialistes de questions variées, ainsi qu’avec des dessinateurs, talentueux, et décidés à soutenir ce type de combat. En 13 reportages, 13 histoires mises en BD ou simplement illustrées, l’auteur nous invite dans un tour du monde de l’injustice mais aussi du courage.

Jorge Gonzalez s’intéresse ainsi à la mémoire du terrorisme d’Etat en Argentine, Laureline Matuissi fais parler une chercheuse spécialisée sur la Syrie, Benjamin Flao promène son pinceau sur la frontière entre la Grèce et la Turquie, où des migrants tentent de s’approcher d’un rêve européen, Guillaume Trouillard revient sur la corruption et la manipulation au Cambodge avec, comme victimes, les habitants d’un village, Boueng Kak, trop prometteur pour être laissé aux populations qui l’habitaient… un récit qui renvoie aux traumatismes du Cambodge des khmers rouges. Damien Roudeau nous entraîne dans les méandres et les complexités des demandes d’asile, à Paris, Christian Durieux suit, en Afrique, les enquêtes de Salvador Saguès et la manière dont il perçoit son action au service d’Amnesty. Dans un genre différent, une fiction, Daniel Blancou imagine, en agrégeant quelques affaires bien réelles, les suites de l’affaire Snowden. Gabrielle Piquet s’intéresse au commerce d’armement et au traité de contrôle voté à l’ONU et qui attend d’être effectif. Zeina Abirached évoque le martyr judiciaire d’une jeune libanaise, Antoinette Chahine, et explore la réalité de la justice libanaise, entre torture et faux aveux, une torture que l’on retrouve dans l’Ingouchie dessinée par Michaël Sterckeman dans le même contexte, celui d’une justice plus proche de l’arbitraire. Enfin, Piero Macola va dans les marges des villes, dans un camp Roms de Grigny, où l’on vit en dehors de la société.

Chaque reportage est une évocation d’un crime, d’une injustice si criante qu’elle en est insoutenable ou d’un drame intériorisé et qui consume sa victime… la torture même est évoquée, pudiquement (Z. Abirached), par autant de carrés blancs, ou plus explicitement (M. Sterckeman). A le lire d’une traite, on a l’impression d’un patchwork de misères, mais chaque auteur a composé sa propre histoire avec, comme seul introduction, une explication et une photographie. Les styles sont variés, flous comme une mémoire qu’il faut défendre (J. Gonzalez) ou au contraire dense, comme ces entretiens de demandeurs d’asile (D. Roudeau). Qu’on mette en scène un dialogue (C. Durieux) ou que l’on embrasse l’Histoire et ses drames à coup de vignettes (G. Trouillard), chaque auteur a su créer une atmosphère propre pour des récits qui prennent ainsi une vraie densité, et une réelle humanité. Une bonne action, certes, mais également une bonne lecture pour quiconque veut comprendre le monde contemporain et s’intéresse à ses marges plutôt qu’à ses paillettes.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/12/2014 )
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