Bande dessinée Chroniques - Autobiographie |
Les Ménines de Santiago GarcÃa et Javier Olivares Futuropolis 2015 / 25 €- 163.75 ffr. / 184 pages ISBN : 9782754812061 FORMAT : 19x26cm Sur les épaules de Vélasquez Il fut d’abord un apprenti, auprès d’un maître qui lui apprit le métier et lui donna sa fille… puis il fut appelé à la cour d’Espagne, celle du roi Philippe IV, qui l’envoya en Italie, rencontrer Ribera et l’art des maîtres italiens. Naples, Rome… il arpenta les cours et les collections avant de revenir en Espagne, avec un regard neuf et de grands projets. Vélasquez est un artiste de son temps, un artiste de cour, un maître du portrait, mais également un courtisan, un mari, un formateur… Le mariage de l’histoire de l’Art et de la bande dessinée a donné, depuis quelques temps, des albums riches, inspirants, ciselés et pensés comme des œuvres d’art, à tiroirs… Et ces Ménines sont, dans le genre, une des plus belles réussites : un récit à la fois dense, chronologique, mais en même temps déstructuré, et qui met en relief la vie de Vélasquez, ses inspirations (on y croise Raphaël et le Bernin) et la postérité de son œuvre… et quelle postérité : Dali, Picasso, Goya, Chase, sans compter les admirateurs, les analystes, les collectionneurs, les conservateurs… Vélasquez est, plus qu’une référence, celui après lequel peindre suppose un geste neuf… Apres Vélasquez, il faut une révolution. C’est l’intuition de Picasso, qui, comme d’autres, entreprit de peindre de nouveau les Ménines, Picasso dont les apparitions sont dominées par l’idée d’un combat, d’une âpre rivalité qui l’oppose au maître du XVIIe. Cette révolution, elle s’inscrit dans cet album très réussi, qui éclaire non seulement la vie du peintre, mais surtout sa vision, son regard sur une société espagnole figée, fermée, que son génie lui ouvrit, et enfin ses œuvres et le rapport qu’il tissa, par elles, avec son souverain. Le scénario de Santiago Garcia rend admirablement cette empreinte de Vélasquez, car il ne fait pas le choix du récit ou de l’interprétation, mais les imbrique, les entremêle… une affaire complexe qui suppose des digressions, réflexions, allers-retours dans le temps et l’espace (du Paris de Picasso à la Guerre d’Espagne en passant par Les Vite de Vasari)… mais le récit reste fluide, tant les auteurs ont su rester proche de leur questionnement initial : qu’est ce que le talent d’un Vélasquez ? Et cette question, obsédante – celle du génie ? - est magnifiquement rendue par le trait audacieux de Javier Olivares qui, dans un style discrètement cubiste, joue des styles et des influences, des couleurs (Vélasquez campe dans le clair obscur quand les autres peintres jouissent, eux de toute la palette des couleurs…). Avec Les Ménines, on redécouvre un peintre, un milieu, un feu esthétique qui embrase l’Espagne pour des siècles, un trouble aussi, face aux Ménines. Pour les amateurs d’histoire de l’art comme pour les fans de Vélasquez et des grandes fresques historiques, cet album est déjà incontournable, mais plus encore, pour ceux qui doutent encore que la bande dessinée puissent livrer une réflexion propre, où le graphisme trouve sa place aux côtés des idées, Les Ménines est une belle démonstration de la richesse de ce médium, presque une autre manière, nouvelle, de voir la peinture. Un Vélasquez révolutionné et magnifié. Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 24/08/2015 ) |
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