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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Le bonheur occidental
de Charles Berberian
Fluide Glacial 2016 /  17 €- 111.35  ffr. / 96 pages
ISBN : 9782352076865
FORMAT : 24x32 cm

Happy…

Pour Charles Berberian – à moins que ce ne soit Bébairian ou Bérébian, personne ne se souvient ??? – ça ne va pas trop : auteur de BD déclassé, il rame pour réaliser un nouvel album, désespéré d’avoir été incompris dans ses albums précédents. Un peu aigri, déprimé, amer, il se heurte aux auteurs plus à la mode, et provoque même quelques scandales. Un has been en somme, qui encombre son éditeur, lequel finit par lui proposer comme éditrice une stagiaire rondouillarde et sympathique, pas trop calée en bande dessinée ni même en lecture, mais qui dispose d’une bonne droite et de quelques plans faciles pour trouver de l’argent. Les petites galères du quotidien en somme avec, en arrière plan, une fresque à réaliser et une interrogation existentielle sur le bonheur et sa nature. Car entre temps, l’album s’écrit : on y croise Hollande et Sarkozy, se battant autour d’une trouvaille marketing qui doit révolutionner la politique et l’économie française, le cerceau européen (merci les frères Coen), on découvre un club secret de riches qui s’assument, on entre dans les cauchemars de Berlusconi (la panne de Brillantine), on participe à l’orgasme global d’Elvira, ainsi qu’aux essais militaires d’un général ukrainien pas doué, on se promène dans un imaginaire, au gré de quelques esquisses et autres coups de crayons. Errance dans les affres du bonheur occidental.

Bien évidemment, le vrai Charles Berberian n’a rien à voir avec cette fausse mise en abyme : le coauteur de Monsieur Jean – probablement l’une des plus chouette BD sur la vie et ses tracas – et du Journal d’Henriette, de Boboland et de tas d’autres beaux albums, est un dessinateur inspiré et toujours talentueux, trop rare hélas. Ce nouvel album, sur le mode de Bienvenue à Boboland, est une chronique douce amère de notre société du spectacle, avec ses hommes d’affaires cupides, ses stars méprisantes, ses hommes politiques aux querelles infantiles, sa jeunesse sans perspective, si ce n’est la « teuf ». Le bonheur occidental, exploré ici, ce sont les diverses manières d’échapper à l’ennui, à la déprime : un bonheur par la fuite. Berberian a rassemblé dans ce nouvel album des esquisses, des peintures, des histoires, il y a quelque chose de Sempé, et de ce regard à la fois compatissant et distant posé sur le monde et ses petitesses, un regard ironique, parfois très mordant, parfois juste curieux de la profondeur de la bêtise humaine. Mais quand Sempé s’efface, Berberian se met au contraire en avant, se moque de lui-même, se parodie sans complaisance en Albator… Le trait est posé, avec cet air sixties qui faisait déjà le charme de Monsieur Jean et des autres albums : un incontournable dans l’œuvre de Berberian, et une jolie prise de distance avec le monde moderne.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 28/07/2016 )
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