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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au stalag IIB (tome 3) - Après la guerre
de Jacques Tardi
Casterman 2019 /  25 €- 163.75  ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-203-97247
FORMAT : 24x32 cm

Mon père, ce héros

Revenu, avec deux millions d’autres personnes, d’Allemagne, René Tardi quitte finalement la guerre. Comme tout un continent. Mais comment sort-on d’une guerre, qu’on soit un individu ou une nation ? C’est un peu la question que pose ce troisième et dernier tome des carnets dessinés de René Tardi. Cette fois, Jacques, l’auteur, est arrivé, on est en 1946 et il est temps de reconstruire tout : la vie, la famille, la France. Mais son père commence par rester dans l’armée, et emmène sa famille en Allemagne, dans la zone d’occupation française, un pays de ruines, de culs de jatte, peuplé de militaires français, de monuments dévastés et de souvenirs de guerre. Et puis il y a la France, le pays des vacances. Mais c’est aussi la France de l’après guerre, un pays qui peine encore à dépasser son passé : l’antisémitisme, le génocide, la guerre, la résistance, de Gaulle, l’épuration… le petit Jacques observe, pose des questions, revit, avec les souvenirs de son père quelques scènes historiques. Grande et petite histoire se mêlent, on croise Staline, Tyrone Power, Néron, Tintin, le marsupilami. La guerre froide s’organise, une guerre culturelle où le communisme lutte contre Hollywood. Tout se mélange, une soirée au cirque alterne avec un bombardement, une promenade tranquille est ponctuée par le récit des complexités de l’après guerre. Et dans cet agrégat de moments, de souvenirs, d’informations, s’élabore, progressivement, une personnalité, celle de Jacques Tardi.

Les carnets de René Tardi deviennent, imperceptiblement, ceux de Jacques Tardi. Dans ce troisième album, c’est une enfance qui se raconte, des années cinquante, une enfance entre les films en technicolor et les souvenirs de guerre du grand père, une enfance hantée par les guerres mondiales, et en même temps assez insouciante pour dépasser, un temps, le traumatisme et n’en retenir que des images, des idées pacifistes, des valeurs. Avec cet album, on se promène dans la France de la Reconstruction et des Trente glorieuses avec comme guide un gamin curieux et observateur, qui découvre peu à peu le dessin, et l’imaginaire, celui du cinéma américain et de la BD franco-belge. Premiers crayons, premiers dessins. L’histoire peut continuer.

Les amateurs de Tardi connaissent son style, son trait, ses vignettes qui sont autant de cartes postales et de photographies historiques, ses indignations aussi : les grands autocrates nagent dans des mers de cadavres, la guerre n’a rien d’héroïque, elle n’est que boucherie (et la mésaventure du grand père, tombé dans le ventre ouvert d’un cadavre allemand, le démontre). Une BD engagée donc, marquée par un souci quasi maniaque du détail et une immense nostalgie pour ce monde disparu. Quelques clins d’œil récurrents, telles les courtilières (p. 114) rappellent les aventures d’Adèle Blanc Sec et l’on voit, dans l’imaginaire d’un gamin émerger les thèmes du dessinateur adulte, ainsi que quelques personnages. Une clef, pour lire et relire Tardi, et un plaisir constant.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/03/2019 )
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