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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

La Véritable Histoire de Futuropolis
de Florence Cestac
Dargaud 2007 /  18 €- 117.9  ffr. / 100 pages
ISBN : 978-2205-05911-3
FORMAT : 18,5x25 cm

Passépolis

Les historiens s’en souviennent. De 1972 à 1994, le cercle réduit des éditeurs de bande dessinée comptait un membre original au doux nom de Futuropolis. Originale, la maison l’était à plus d’un titre, née d’une librairie et d’une rigueur iconoclaste. Étienne Robial rejetait la bédé, tout ce qui se rapportait aux albums cartonnés standards de l’époque, et prônait une Bande Dessinée d’Auteur en noir et blanc, la diversité des publications s’accompagnant d’une rare finition dans l’objet. Futuropolis, c’était la collection Copyright qui remit au goût du jour les strips américains des années 1930, en les réunissant dans des compilations inédites ; c’était la collection 30/40, reproduisant les planches au format original ; c’était les jeunes auteurs du moment, depuis reconnus, les Tardi, Crumb ou Baudoin ; c’était enfin l’association Futuropolis-Gallimard, qui mariaient grands romans et illustrateurs, dont l’inoubliable couple Céline-Tardi. En furetant dans les publications de la maison à l’époque, il faut d’ailleurs bien avouer que tout n’a pas bien vieilli ; mais il reste des pièces superbes, qui justifie l’héritage un tant soit peu mythique.

On a beaucoup parlé de Futuropolis ces dernières années. Le label était disputé par ses propriétaires, Gallimard associé à Soleil pour relancer une nouvelle maison, et par son fondateur, qui revendiquait le droit moral par Menu interposé. Au long de la guerre, les deux partis se sont envoyés de grands principes, mais on oubliait un peu l’histoire même de Futuro. Une histoire faite de bricolage, de hasard et de déconvenues.
Florence Cestac, cofondatrice de Futuropolis et impliquée dans l’entreprise jusqu’à peu de temps avant la fin, s’est ensuite spécialisée dans le dessin. En même temps que paraissent chez Les Humanos ses Aventures de la Fée Kaka, voilà qu’elle publie ses mémoires de vingt ans d’aventure éditoriale. Sans porter prise à la polémique, La Véritable Histoire de Futuropolis rassemble anecdotes et détails historiques.

Cestac a l’élégance de se masquer derrière son vieux personnage Harry Mickson, qui prend le rôle de narrateur. Elle a aussi le courage de se remettre au noir et blanc, elle dont le trait a pris depuis longtemps l’habitude de la couleur. On est donc bien plongés dans une reconstitution de l’époque.
On retrouve avec amusement les anecdotes déjà citées dans les propres souvenirs de Robial, et de multiples autres. Pour le fan de bande dessinée, c’est savoureux. La jeunesse de Jean-Pierre Dionnet, les portraits de Charlie Schlingo ou d’Edmond Baudoin sont touchants. Cestac brosse d’un bout à l’autre le tableau de la bande dessinée, de son histoire et d’une maison d’édition. On a un peu l’impression de passer de l’autre côté du décor.
Parfois, bien sûr, Cestac ne résiste pas à l’appel du cahier de souvenirs, et énumère les différentes équipes embauchées sans trop chercher à nous passionner, mais le plus souvent elle caricature assez ses modèles pour en faire de véritables personnages, et nous intéresser à leur devenir.
Il est rare que l’histoire de la bande dessinée se raconte dans les formes. Quand c’est l’auteur qui l’a vécue, on n’a pas de raison de bouder son plaisir.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 10/09/2007 )
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