L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Welcome to America
de Pierre Druilhe
Ego comme X 2008 /  24 €- 157.2  ffr. / 120 pages
ISBN : 2-910946-64-9
FORMAT : 21x28 cm

Les rues de Philadelphie

Nouvelle incursion dans le moi d’un auteur. Cette fois, c’est Pierre Druilhe qui pour son premier livre choisit de raconter son voyage aux Etats-Unis pendant l’été 1999. Hébergé chez sa sœur à Philadelphie, la ville de Rocky et d’Edgar Poe, Pierre passe des journées tranquilles à dessiner, à se promener, et à boire des bières. Il n’est pas un touriste comme les autres et il faut qu’il se fasse violence pour qu’enfin il dégaine son appareil photo. Un peu nonchalant, un peu lunaire, l’expatrié est avant tout en vacances et son premier plaisir est d’aller regarder la jolie serveuse blonde du bar d’en face plutôt que d’aller visiter le Musée des Beaux-Arts (« Quand on veut voir de la peinture du 19e siècle, on va à Paris, au musée d’Orsay…»). Pierre est comme un grand enfant. Autour de lui les gens parlent en faisant coin-coin ou bla-bla ; lui ne comprend pas, il est comme en dehors de ce monde de grandes personnes. Il ne s’intéresse pas à tout ce qu’on lui raconte, il vit sa vie, dans sa petite bulle, pèpère et bon enfant. Il imagine les super héros sur les buildings autour de lui, il est heureux comme tout devant un distributeur de M&M’s ou une mini perceuse électrique avec une sucette et, dès la première planche, il est à la recherche de « gadgets amusants ». Bref, c’est un grand gamin de 30 ans. Un gentil. Un copain.

C’est du moins le portrait qui se dégage de ce livre très attachant, qui aurait pu vite devenir ennuyeux si le caractère du narrateur n’était pas aussi charmant. De l’artiste bohème qui vit au jour le jour, Pierre Druihle choisit de n’en montrer que les côtés fragiles, enfantins, et laisse le snobisme arty à la porte. Lorsque de retour à Paris, Pierre apprend que des papiers importants pour le chômage n’ont pas été posté à temps, il est autant paniqué qu’énervé, et c’est ce côté finalement terre à terre, lié malgré tout aux contingences matérielles qui rendent ce personnage intéressant. De même, lorsque dans l’avion qui l’emmène aux USA, il fait la conversation avec un voyageur hollandais, il parle de son « métier » de dessinateur comme un enfant passionné et ce premier « vrai » contrat qui lui tombe dessus est vécu comme une bénédiction, un événement incroyable, une fantastique opportunité. Voilà le portrait honnête d’un artiste en devenir, pas encore totalement reconnu, pas forcément génial mais suffisamment bosseur et enthousiaste pour y arriver.

Avec un trait lâché et - joli contre-pied - un découpage précis, suivant souvent une grille réfléchie et mesurée, le livre se lit d’un bout à l’autre avec grand plaisir. On apprécie vite les pérégrinations faites des riens du tout de Pierre (quel est le plus court chemin pour rejoindre le bar ? ), ses petits bouts d’aventures quotidiennes racontées avec humour, décontraction et légèreté, mais laissant entrevoir régulièrement quelques petites failles humaines touchantes. L’autobiographie touche alors pleinement son but : se raconter soi-même tout en arrivant à parler des autres.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 05/09/2008 )
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