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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Salomé (tome 1) - La noyée du Tibre
de Giuseppe Palumbo et Eric Prungnaud
Les Humanoïdes associés - Dédales 2005 /  10.40 €- 68.12  ffr. / 48 pages
ISBN : 2731616954
FORMAT : 23 x 30 cm

La voyante mène l’enquête

La Rome impériale excite à bon droit l’imagination de nos contemporains épris d’exotisme : imaginez ce dédale cosmopolite, où toutes les religions cohabitent dans un enchevêtrement de traditions, de coutumes, de rituels, le tout à l’ombre munificente de la pax romana. C’est dans ce labyrinthe que vient de naître une nouvelle enquêtrice aux talents divers, voire étranges : Salomé, esclave d’une riche famille romaine, les Melinas. Une occasion nouvelle pour l’amateur de polars historiques de filer la métaphore en bandes dessinées, et trouver dans la récente et prometteuse collection Dédales un renfort d’intrigues à la fois bien menées et bien mises en images.

Salomé, donc, est esclave et – ce qui n’arrange pas ses affaires – l’amante de son maître, le beau Marcus, fils aîné de la maison. Les amours ancillaires sont rarement heureuses, et en l’occurrence, ce couple n’a guère d’avenir. D’autant que Marcus, soldat victorieux, doit épouser Paulina, jeune aristocrate romaine… laquelle est retrouvée morte et assassinée dans le Tibre. Par un biais qui échappe un peu au lecteur, Marcus est accusé du meurtre et, poursuivi par son ex-futur belle famille ainsi que par la milice de l’empereur Claude, il doit fuir pour prouver son innocence. Mais il dispose d’une alliée puissante, Salomé, laquelle – aidée de ses dons de médium (elle « parle aux dieux », ce qui est plus poétique) – mène l’enquête. Et manifestement, la vérité se love dans les anneaux d’un serpent, symbole d’une religion barbare ramenée d’Egypte par des légionnaires ou bien des notables locaux. L’aide des dieux ne sera certainement pas de trop !

Tous les chemins mènent à Rome dit-on, y compris ceux de la fiction : avec ce polar de bonne tenue, les amateurs d’Antiquité nostalgiques d’Alix et d’Astérix se trouvent en territoire connu. La réalisation est du reste assez sympathique : on entre avec les personnages dans le secret des belles villas romaines, ou bien dans les termes. Certes, il manque à cette Rome de bande dessinée les détails (vue d’ensemble de l’urbs, des quartiers et des demeures, références géographiques et historiques…) qui la rendraient moins impersonnelle, plus crédible, plus réaliste, à la manière d’un Jacques Martin pour Alix. Mais cela viendra sans doute par la suite. Le graphisme de Giuseppe Palumbo est agréable, avec ses cadrages cinématographiques et sa capacité à restituer le mouvement. Les héros ont même ce profil de statue antique qui les identifie bien en tant que romains.

Le scénario d’Eric Prungnaud est en revanche décevant : les dons surnaturels de Salomé suppléent un peu trop au déroulement de l’enquête, parfois confuse, heurtée. On a l’impression que faute d’avoir accompli un véritable travail de documentation historique (pas compliqué de surcroît), le scénariste s’en est remis à un canevas basique de roman policier sans chercher à exploiter l’originalité romaine (qui fait la police à Rome ? qui instruit les affaires de meurtre ? comment vit-on dans une famille patricienne ? quelles peuvent être les connaissances médicales de ce temps ? quels sont les cultes à la mode ?...). Il manque un souffle antique à ce scénario trop sage, pas assez typé… Mais de même que Rome ne s’est pas construite en un jour, il faut laisser la série prendre ses marques et Salomé poursuivre son enquête.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 30/07/2005 )
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