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Bande dessinéeet Aventure  

L'Ombre
de Hugo Pratt et Alberto Ongaro
Casterman - Ecritures 2004 /  16.75 €- 109.71  ffr. / 232 pages
ISBN : 2203396105
FORMAT : 24 x 17 cm

Dans l'ombre de Corto

Dans la vague des rééditions qui déferlent sur le monde de la bande dessinée, il convient de faire une place à part à ce petit livre paru dans l’excellente collection « Ecritures » de Casterman. D’une part, parce que le dessinateur ici s’appelle Hugo Pratt et que, à la veille de l’année qui verra la célébration des dix ans de sa disparition, on ne peut que se réjouir de voir une de ses histoires enfin disponible pour le public francophone. D’autre part, parce que Casterman a eu le bon goût de publier L’Ombre dans un format à l’italienne qui respecte les intentions des auteurs.

L’Ombre, sur un scénario d’Alberto Ongaro, date du début des années 1960. A cette époque, Pratt n’a pas encore vraiment commencé son œuvre de scénariste (même si Ann de la Jungle date de 1959). Il travaille en duo — avec Œsterheld, collaboration qui nous vaudra le magnifique Ernie Pike, et surtout avec Ongaro, Vénitien comme lui. Ses personnages ne lui appartiennent pas encore complètement. Aucun d’eux ne possède ce décalage mystérieux qui fera tout le charme, à partir de 1967, de Corto Maltese.

L’Ombre, pourtant, est un personnage souvent décalé et qui se veut mystérieux. C’est un super-héros, le seul de l’œuvre de Pratt. Il en possède tous les attributs : la double personnalité, les gadgets mortels et les engins volants — et aussi les ennemis, à commencer par ce mystérieux « Général », également nommé, en d’autres endroits de l’album, « l’Amiral » ou le « Suprême » ; et secondé par toute une armée de tueurs, dont l’Ombre se joue systématiquement.

On peut s’amuser à retrouver, dans les aventures de L’Ombre, toutes les références de ce début des années 1960 que Pratt a tant aimé : les aventures de Batman, celles de James Bond surtout, qui apparaît en 1962. On n’aurait pas de mal à reconnaître les emprunts que Pratt et Ongaro leur ont fait, tant dans le ton sarcastique des dialogues que dans les machines admirables et saugrenues du « Général », tout à la fois sophistiquées dans leur technologie et naïves dans leur esthétique.

Tout cela a vieilli, c’est sûr — plus peut-être que les films de James Bond eux-mêmes. Sans compter que l’Ombre musclée et gainée de noir ne cadre pas vraiment avec l’univers de Pratt. Mais il est frappant de constater à quel point le graphisme de Pratt était déjà, au début des années 1960, celui des premiers Corto Maltese. Bien des vignettes de L’Ombre pourraient se retrouver chez Corto (des vignettes où, notons-le, l’Ombre n’apparaît pas !). Pour le fan de Pratt et de Corto, fût-il imperméable à l’univers des super-héros, L’Ombre est une lecture indispensable.

Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 06/11/2004 )
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