Bande dessinée
Aventure de Jean-Luc Loyer et Vincent Sauvion
Soleil 2004 / 12.50 €- 81.88 ffr. / 48 pages
ISBN : 2845657897
FORMAT : 23 x 32 cm
La vérité sur la petite souris !
Tout le monde connaît l’histoire de la petite souris qui, la nuit, passe chercher sous l’oreiller les dents de lait des enfants et les remplace par une pièce… mais peu de gens savent pourquoi les souris se livrent à cette tâche, et ce qu’elles en retirent. Personne enfin ne connaît le royaume situé sous la terre où les souris attendent la chute des dents. C’est à ce mystère l’enfance que se consacre une nouvelle série, Mordichaï, et le moins que l’on puisse dire est que la réalité est bien moins rose que dans le flou de l’enfance (même si l’on croise, au hasard des pages, Mickey, en mythe pour souris !).
En fait, l’histoire tourne autour d’une souris, une pauvre petite souris au chômage du nom de John-John Torresville, père de famille sans histoire. Mais voilà, bien malgré lui, il se retrouve entraîné dans un conflit politique qui le dépasse, entre un leader populiste aux accents totalitaires, Carlossino, et un chef religieux fanatique à la recherche d’élus, le grand Vénère. Le premier veut interdire aux souris les expéditions au royaume des humains et de la surface, le second a fait de ces expéditions accomplies par des élus (bien malgré eux) le fondement de son pouvoir, solidement défendu par des soldats en armure. Torresville, qui s’est fait remarquer bêtement par les autorités, se retrouve enlevé, avec son beau-frère Claudius, par les séides du grand Vénère et, déclaré « élu ». Il est désormais temps de gagner le territoire des hommes en quête de ces dents nécessaires aux souris (elles leur donnent une âme)… mais ce serait compter sans les hommes de Carlossino, décidés à leur barrer la route : celle-ci ne sera pas de tout repos !
Voilà une série nouvelle où l’on retrouve une inspiration connue, celle de Ptiluc et de la série Pacush Blues (avec ses rats de toutes sortes, agressifs ou abêtis, philosophes ou manipulateurs…) ou encore Rats et ses ratiocinations politiques. Mais là où Ptiluc décrit un univers post-apocalyptique où les rats, devenus intelligents et cyniques, survivent, Jean-Luc Loyer, le scénariste de Mordichaï, a construit un monde plus sombre, menacé par le sectarisme religieux et le totalitarisme. D’ailleurs, les uniformes et les insignes de Carlossino ressemblent fortement à des tenues soviétiques (avec l’insigne SS…). Avec cet album, il fait en outre ses premiers pas dans une bande dessinée adulte, avec un succès certain. Ce sont les mêmes références qui s’imposent quant au graphisme de Vincent Sauvion, qui renoue dans cet album avec la bande dessinée, et un jeune talent qui s’exprime particulièrement dans les scènes de groupe. Il faut enfin souligner le magnifique travail de la coloriste, Catherine Simoni (qui sait jouer des ombres et des fluorescences souterraines), pour conclure à un album fort réussi, dont on attend désormais la suite (et l’accès à notre monde) avec impatience.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/01/2005 )
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