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Long John Silver (tome 1) - Lady Vivian Hastings
de Xavier Dorison et Mathieu Lauffray
Dargaud 2007 /  13 €- 85.15  ffr. / 58 pages
ISBN : 978-2-205-05683-9
FORMAT : 24x32 cm

Le calme avant la tempête

Hissez la grand-voile, larguez les amarres et souquez ferme, matelots, car les pirates sont de retour ! Qui n'a jamais été fasciné par ces hors-la-loi légendaires, assoiffés d'or et épris de liberté ? Parmi eux, un certain grand gaillard à la jambe amputée occupe dans la mémoire collective une place toute particulière : Long John Silver, ce « méchant » ambigu et charismatique dont la silhouette inquiétante hantait les pages de L'île au trésor.

Le fameux unijambiste est loin d'être étranger aux planches du neuvième art, tant sont déjà nombreuses les transpositions en bande dessinée du célèbre roman. De René Pellos, dans les années 50, à Corteggiani et Faure, auteurs de la plus récente adaptation, en passant par l'immense Hugo Pratt, chacun a donné sa propre interprétation du classique de Stevenson et de son personnage emblématique. Une nouvelle version, réalisée par David Chauvel et Fred Simon, est prévue chez Delcourt. Chez cet éditeur sera même publiée une suite aux aventures du jeune Jim Hawkins, devenu adulte (Sept pirates, par Bertho & McBurnie).

Restait à régler le sort de Long John lui-même, sur lequel Stevenson avait conclu évasivement : « De Silver, nous n'avons plus jamais entendu parler. Ce formidable marin à une jambe a enfin disparu de ma vie. »
Et des nôtres, par la même occasion... jusqu'à ce que Dorison et Lauffray ne se mettent en tête de le ressusciter.

1785, aux confins de l'Amazonie... Lord Byron Hastings vient de découvrir la cité perdue de Guyanacapac. Cependant, sa femme, restée en Angleterre, le croit mort. Ruinée, enceinte de l'un de ses amants, et courtisée par le fortuné Lord Prisham, la jeune Lady Vivian s'apprête à refaire sa vie. Mais une lettre inattendue de son mari vient bouleverser tous ses plans... Bien décidée à reprendre son destin en mains, la jeune fille se met en tête de rejoindre Byron aux Amériques pour s'approprier le trésor inca. Pour cela, il lui faudra l'aide d'un aventurier sans scrupules, un homme d'action prêt à tout pour la promesse de l'or... Cet homme-là, ce sera Long John Silver.

N'espérez pas respirer l'air du grand large dans ce premier tome, qui se déroule entièrement en Angleterre ; l'embarquement n'aura lieu que dans le prochain album. Ici, Dorison et Lauffray s'attachent surtout à introduire (ou réintroduire) les protagonistes, et à mettre en place les éléments de l'intrigue. Les auteurs n'hésitent pas à prendre leur temps pour développer ce premier acte : emportés par leur sujet, ils ont beaucoup à dire, peut-être trop. Leur volonté de ne rien laisser au hasard donne lieu à quelques longueurs et quelques passages inutilement verbeux, comme dans un film en version longue où auraient été réintroduites toutes les scènes coupées.

Pour autant, cette relative surcharge nuit peu au plaisir de lecture. Qu'on ait aimé se perdre, enfant, dans la jungle de L'île au trésor, ou, plus généralement, qu'on soit sensible aux récits d'aventure « en costumes », difficile de ne pas se laisser emporter par ce même enthousiasme qu'ont dû ressentir les auteurs de Long John Silver en s'appropriant l'univers de Stevenson. Même sur la terre ferme, l'appel de l'aventure se fait déjà entendre, et le souffle épique se fait sentir, tant le thème de la piraterie est ancré dans notre imaginaire et tant est fort son pouvoir d'évocation.
Il faut dire que, côté graphique, Mathieu Lauffray n'hésite pas à en faire des tonnes pour magnifier le récit, que ce soit au moyen d'une narration très « cinématographique », ou grâce à un travail d'ambiance remarquable. L'esthétique baroque et la mise en couleurs flamboyante donnent à l'album une tonalité très sombre, loin de l'univers enfantin et pittoresque que pourrait évoquer habituellement L'île au trésor.

Une séquence impressionne particulièrement par son atmosphère crépusculaire : l'entrée en scène du « marin à la jambe de bois ». En quelques images, Dorison et Lauffray ressuscitent le mythe du pirate dans toute sa force et sa démesure. Mais les auteurs s'intéressent surtout à l'être humain derrière le mythe : leur Silver est un baroudeur vieillissant, qui voit sa mort venir et décide de l'affronter debout, au cours d'une dernière aventure. Face à lui, Lady Hastings est l'autre personnage fort de l'album. Aussi ambiguë et manipulatrice que Long John lui-même, elle est une complice (et probablement une future adversaire) à la mesure du pirate. Nul doute que leur confrontation, pendant la traversée, fera des étincelles...

Pari réussi pour Dorison et Lauffray, qui rendent avec cette série un bel hommage à Stevenson. S'ils gardent le cap dans les prochains albums, on suivra volontiers leur Long John Silver jusqu'au bout du monde.

Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 10/07/2007 )
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