L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Trompe la mort
de Alexandre Clérisse
Dargaud - Long Courrier 2009 /  14.50 €- 94.98  ffr. / 62 pages
ISBN : 9782205062090
FORMAT : 24x31,5 cm

Drôle de guerre

Marcel est un petit vieux tout ce qu’il y a de plus petit vieux : râleur, solitaire, radoteur, fouineur et un peu miro. Au fin fond de sa tranquille campagne, il passe ses journées à se promener seul, trouvant le temps un peu long, narguant ses futurs voisins lorsqu’il passe devant le cimetière et se préparant des plateaux télé pour mieux s’endormir devant. Un jour de brocante, voilà Marcel qui tombe sur un vieux clairon, une antiquité qui n’a pas servi depuis la guerre ou presque. Et la guerre, Marcel, il la connaît bien puisqu’il y était. Et le clairon, il en jouait. C’est que le monsieur a des souvenirs, et si c’est Andrea, sa petite fille hippie-punky, qui offre pour l’instant la seule oreille plus ou moins attentive aux mémoires de son pépé, tout va bientôt changer. Le monde, ou tout du moins les villages aux alentours doivent connaître la vérité. En dénichant ce clairon, Marcel s’est trouvé un but : aller retrouver son propre instrument, celui qui se trouve quelque part là-bas enterré dans la forêt, perdu lors d’une bataille contre les Boches.

Après le très réussi Jazz Club, Alexandre Clérisse signe un deuxième album tout aussi réjouissant, peut-être moins délirant que le précédent mais toujours enlevé et touchant. Comme dans son premier livre, Clérisse s’intéresse à un « senior », un seigneur anonyme, et si Norman, le saxophoniste soprano était devenu malgré lui une star du free-jazz, Marcel, le clairon qui ne sait pas jouer de clairon, endosse, le temps d’une journée, l’image du héros très discret, l’exemple pour les jeunes générations. Les thèmes de la transmission et de la mémoire, déjà présents dans Jazz Club, sont donc à nouveau mis en avant mais avec ce grain de folie qui fait passer tous les discours pompeux. Ici, c’est aussi un message pacifiste et anti-militaire qui est malicieusement déroulé, Clérisse mettant en scène des jeunes gens poussés à faire la guerre, et montrant bien la peur et l’amertume derrière l’obligatoire courage de façade.

Avec son graphisme lumineux et ses couleurs expressives, et utilisant les techniques numériques avec légèreté et ingéniosité, Clérisse déploie un récit cartoonesque en diable, joli à regarder et vraiment distrayant. L’improvisation en roue libre qui semblait conduire Jazz Club est ici écartée au profit d’une histoire plus serrée, plus maîtrisée. On perd sans doute un peu en folie et en originalité, mais le personnage de Marcel est suffisamment attachant pour qu’on ne rechigne pas un instant à le suivre dans son récit de guerre pas banal. Le mélange des genres, farce tragi-comique autour d’un conflit mondial, est vraiment réussi, et le terme de « drôle de guerre » prend, ici aussi, tout son horrible sens.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 05/05/2009 )
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