Bande dessinée
Humour de Marine Blandin
Delcourt - Shampooing 2011 / 13.95 €- 91.37 ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-7560-2177-5
FORMAT : 14,7x21 cm
Grand bain
Un ancien cimetière abandonné, un complexe de loisirs établi là, des apparitions bizarres, évènements mystérieux et autres fantômes… Shining ? Une déclinaison BD en tous les cas, avec un cimetière non plus indien mais animalier, un hôtel devenu une improbable piscine – plutôt un centre nautique surréaliste, à l’esthétique steampunk – et du surnaturel, surtout du bizarre en fait. A commencer par cette fosse dont on ne parvient pas à gagner le fond, cette baleine qui se promènerait, fantômatiquement, cette vieille dame révoltée qui a planté un champ de carottes dans les espaces verts de la piscine, ces baigneuses de jacuzzi qui ressemblent aux Moires, les filles du Destin dans la mythologie grecque, ces clients, qui, tels les Lotophages d’Homère, semblent plongés dans une perpétuelle séance d’aquagym ou de natation… et puis des fantômes, partout… de quoi rendre fou le personnel de la piscine, et notamment le maître nageur, Moutte…
Voilà sans doute l’un des albums les plus délirants, les plus inspirés, les plus déroutants de l’année : partant d’un décor anodin – une piscine, ses carreaux de faïence et ses baigneuses en bonnet – Marine Blandin nous entraine dans une odyssée fantaisiste, aux inspirations multiples. Une pincée de Stephen King et de Kafka (un univers étrange, avec sa logique propre, comme une prison délicieuse et implacable), un brin de mythologie grecque (jusque dans le traitement de l’histoire, sur le rythme des tragédies grecques, avec ses chœurs de baigneuses, ses péripéties…), un hommage réussi à Homère comme à Miyazaki et à ses fables écologistes (dans le graphisme, subtil et parfaitement maitrisé, comme dans le final, échevelé) et un scénario qui s’achève de manière apocalyptique. Bref, il y a là un petit bijou d’inventivité, de fantaisie, qui suppose plusieurs lectures pour dénicher les divers hommages et allusions fines : une bande dessinée audacieuse et réussie, toute en tension entre les références et l’imagination. Ces fables nautiques valent le détour et révèlent, en Marine Blandin, un auteur accompli, aussi brillant dans le scénario que dans le graphisme… un vrai bain de poésie.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/05/2011 )
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