Bande dessinée
Humour de Jérémy Mahot
Delcourt - Shampooing 2012 / 12.50 €- 81.88 ffr. / 126 pages
ISBN : 978-2-75602885-9
FORMAT : 14,7x21 cm
Storytelling…
En 1974, un auteur de science-fiction, R. A. Lafferty, publiait un ensemble des nouvelles assez délirantes portant sur une organisation secrète (qui s’appelait Crocodile) et qui orchestrait l’histoire du monde. Lieux secrets et vilains messieurs relevait alors de la seule SF un brin déjantée ! Quelques années plus tard, la notion de « storytelling » apparaissait pour analyser les « histoires » racontées aux consommateurs, aux électeurs, par les conseillers en communications et autres spin doctors dans le but de les distraire ou de les manipuler (sur ce registre, on se reportera à l’essai, discutable, de Christian Salmon, Storytelling). Entre ces deux dates se produisit un attentat si énorme qu’il donna à tous les amateurs de complots secrets, de conspirations, de synarchie et autres gouvernement secret du monde, une audience planétaire. Le temps des conspirationnistes était venu ! En voici la version BD.
Henry, le héros, travaille au bureau des complots… autrement dit, il sait de quoi demain sera fait. On est en septembre 2001, le 10… et il lui reste encore du travail avant le lendemain et la double explosion des tours jumelles du World Trade Center sous le choc de deux avions de ligne. Car c’est du boulot, d’organiser le détournement d’avions de ligne pour fabriquer un attentat de ce type et justifier une bonne guerre en Orient. Il faut faire avec des terroristes idiots, des tours solides, des pompiers efficaces, des services de renseignement renseignés… bref, le complot, ce n’est pas une partie de plaisir. Et comme la vie d’Henry baigne là-dedans, il se retrouve bientôt divorcé, aigri, mais fair play. Bref, il a du pain sur la planche pour organiser le 11 septembre et gérer ses problèmes de couple à l’ombre des tours jumelles.
Le Bureau des complots, c’est un peu la version conspirationniste de L’Actualité en patates, de Martin Vidberg : des bonshommes patates qui complotent pour fabriquer les évènements de demain. L’esthétique est assez réussie du reste, et l’auteur joue/abuse du contraste entre la teneur des évènements en question (le 11 septembre) et le côté délire potache – humour absurde et décalé – dans un univers géométrique monochrome. Et ça marche bien : déclinant les débats sur le 11 septembre Jérémy Mahot refait l’attentat avec un peu de cynisme et trois bouts de ficelles, une bande de comploteurs cyniques et déments et quelques tasses de café. Un beau plaisir esthétique et humoristique, à déguster bien frappé avant les élections américaines.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/10/2012 )
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