L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Hans
de Jérôme Anfré
Delcourt - Shampooing 2015 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-7560-6345-4
FORMAT : 14,7x21 cm

Petit mais costaud

Rares sont les blogueurs bd à avoir défini un style aussi cohérent. L’univers de Jérôme Anfré tient tout entier dans de courtes saynètes muettes, au dessin aussi fluide qu’un torrent. Ses premiers livres montraient peut-être une gamme graphique plus large, mais la forme dans laquelle il intervient désormais est vraiment celle où il s’est révélé. Depuis, on le suivait régulièrement sur son formidable blog Grands Moments, on a pu le lire sur le site Mauvais esprit, on est heureux de le retrouver dans un très joli recueil des éditions Delcourt.

Hans, le protagoniste de ces pages, est un guerrier miniature aux prises avec les dangers de la nature. Il se coiffe d’une feuille morte et entreprend de dominer le monde, domptant les araignées et chassant les fourmis. Son principal objectif est la conquête du sommet de la forêt, dans un duel incessant entre le lutin astucieux et le grand arbre inamovible. Il y a quelque chose de touchant dans ce combat dérisoire, dessiné dans des cadrages presque fixes qui bannissent les gros plans. Hans occupe toute l’image, sans même laisser la place à un décor autre qu’un fond de couleur.

Ce sont ses mouvements qui nous occupent. Ses gestes, ses sauts, ses pirouettes et ses courses. Lui-même n’a que peu d’outils pour traduire ses émotions : deux yeux, le plus souvent, parfois un sourcil, rarement une bouche. Pourtant Jérôme Anfré fait feu de tout bois pour exploiter le moindre trait et diriger toute son imagination dans la représentation d’un instant de grâce. Hans vit, dans ces petits carrés de quelques centimètres.

Il vit, pleure, rit, désespère et vit encore. Avec lui, nous passons par toute la gamme des émotions, parfois émus, parfois amusés, toujours conquis. Il n’est pas évident de renouveler un postulat aussi simple, et pourtant chaque planche est différente, emplie d’un sens graphique évident. Quand Hans se bat avec un oiseau pour quelques grains de raisin, comme quand il essaye de se dépêtrer d’une toile d’araignée invisible, on est épaté de la variété des idées bien vues pour raconter ces événements très simples. C’est du cartoon moderne dessiné sur papier. Ces choses et ces animaux existent.

Progressivement, les saynètes se suivent pour composer une trame plus longue, le récit d’un apprentissage que le petit lutin n’a pas envie de faire et qu’il fera malgré tout : le monde est vaste, et on n’y est jamais vraiment seul. S’il y a sans doute une morale à ce recueil, c’est parce que la vie de Hans est parfois très ressemblante à la nôtre. Quand il ne cherche pas de nourriture et n’explore pas le jardin, il observe les étoiles, ou s’ennuie. Enrobé dans la mousse, il se voit muni d’une cape. Au milieu des vagues, il se rêve chef d’orchestre. Et ne voilà-t-il pas qu’il dessine un tableau sur le sable ? Hans est un artiste. Même si les fourmis veulent s’approprier son œuvre, lui a su profiter de l’instant présent. Quitte à créer son propre soleil couchant. En bon esthète, il prend le temps de contempler la nature et de vivre à son rythme. Jérôme Anfré a trouvé une nouvelle forme de haïku.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 29/04/2015 )
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