Bande dessinée Humour |
Le petit chemin caillouteux de Eric Salch Fluide Glacial 2017 / 13.90 €- 91.05 ffr. / 72 pages ISBN : 9782352078876 FORMAT : 29,3x22,8 cm Mis en glauque Eric Salch a le vent en poupe. Remarqué sur Internet pour son Look Book, au concept pourtant assez convenu, adoubé par Larcenet et El Diablo, c'est peut-être dans l'autobiographie des Meufs cools qu'il a trouvé véritablement son style, entre apitoiement sur soi-même et joyeuse désinvolture. Ce Petit sentier caillouteux s'inscrit dans la même veine. À ceci près que Salch a renoncé à nous raconter quoi que ce soit, contrairement à ce que le découpage en prologue et en chapitres pourrait laisser penser. Il s'agit ici d'un cahier de vacances, que l'auteur s'oblige à tenir au jour le jour, que sa vie ait un intérêt ou pas. De prime abord, on peut regretter qu'il n'y ait pas ici la matière des Meufs cools, Salch se trouvant réduit à nous raconter ses soirées DVD, ses sorties joggings ou la fois où il a sauvé le gâteau de tata. Pourtant, il y a toujours quelque chose de fascinant dans ses pages. En Joe Matt du 21e siècle, il n'aime rien tant que nous raconter ses petites médiocrités, ses hontes et ses vilénies. L'homme est tellement sincère sur ses défauts qu'on ne peut pas s'empêcher de s'attacher à lui, parfois pour se sentir supérieur et parfois pour s'y reconnaître. Même quand il est de bonne humeur, ses yeux globuleux et sa barbe de trois jours lui donnent la dégaine glauque d'un paria. Lire une bande dessinée d'Éric Salch, c'est retrouver le même plaisir qui nous fait nous enivrer de nos flatulences ou nous écorcher un bouton, c'est la jouissance coupable de se mêler au sordide en vouant le bon goût aux gémonies. Dans ces confessions, la politique est prégnante. Salch célèbre le bonheur de dire non. Il dénonce le monde du travail, la propriété, l'école. La haine dont il s'enveloppe contient plus encore le reste du monde, et fait peu d'exceptions. Sa planche pour le numéro spécial de Fluide Glacial consacré à Gotlib est un glaçon égocentrique au milieu des hommages de ses confrères. Les thématiques reviennent en boucle ; à part ses occupations de vacances, nous suivons l'auteur dans ses tentatives de dessiner ce qu'il voit autour de lui, et la nature en premier lieu, ses relations avec les habitants de son immeuble, son (absence de) sport, ses réflexions sur la paternité et sur la société en général. Lorsqu'il nous parle de ses enfants, Salch réintègre l'humanité. Les souffrances de son divorce, les impasses de l'éducation, la médiocrité de la transmission des générations nous touchent au gré d'anecdotes à peine soulignées. Le dessinateur a beau dépeindre sa vie comme un échec, il ne parvient pas à transmettre à ses enfants l'illusion d'un modèle d'intégration auquel il ne croit plus. Mais endosse le rôle de chef de famille quand la musique lui casse les oreilles. Il faut dire que la réussite de son travail tient aussi à son dessin, d'une simplicité radicale mais laissant la place à une efficacité remarquable dans la caricature. Les gueules de Salch sont à tomber par terre d'humanité, même bancales, même mal foutues. Clément Lemoine ( Mis en ligne le 22/06/2017 ) |
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