L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Les Aveugles
de F'murrr
Dargaud 2005 /  11 €- 72.05  ffr. / 92 pages
ISBN : 2-205-05620-4
FORMAT : 22,5 x 29,5 cm

Drôle de geste

Publié en 1992 par Casterman, Les Aveugles est aujourd’hui réédité chez Dargaud, déjà diffuseur de la série culte de F’Murrr, Le Génie des alpages. Lire un album de F’Murrr reste toujours un moment empreint de douce folie, de poésie loufoque, d’humour ravageur. Inclassable, artiste complet, quelque part entre Fred, Wolinski et Gotlib (rien que ça), F’Murrr n’a eu de cesse de chercher à amuser intelligemment son lecteur. Jeux sur les mots, références cachées, discours philosophique plus ou moins maquillé, l’homme est lettré et suffisamment talentueux pour faire passer la pilule grâce à un savoureux cocktail d’absurde et d’humour potache. Les Aveugles n’échappe pas à la règle, et le dépaysement littéraire (les albums de F’Murrr ne ressemblent vraiment à aucun autre) sera total pour qui se laissera embarquer dans cette chanson de geste parodique et déjantée.

C’est donc l’histoire de quatre aveugles (dont un sourd, et un qui triche), tout droit sortis d’un tableau de Bruegel, qui errent à travers la campagne moyenâgeuse. Leur marche les mène à l’ermitage de la Nonne Anonyme, une beauté si rare qu’elle est obligée de vivre masquée pour ne pas attirer à elle tous les êtres vivants de la création. À cette troupe déjà cocasse vient s’ajouter le Baron Nul, héros du Pauvre Chevalier (également récemment réédité par Dargaud), sorti indemne d’un tir de flèche en pleine tête, et désormais peintre en herbe, attiré par les tournesols comme on peut l’être lorsqu’on a l’oreille coupée. Tous vont partir à la recherche de l’enchanteur Merlin, enterré vivant quelque part dans une grotte de la région.

Tout comme son écriture, le pinceau de F’Murrr est preste et alerte, installant en quelques traits un personnage caricatural épatant, une posture délirante, une scène burlesque à l’exagération toujours très british (le découpage aéré est sans doute pour quelque chose dans cette impression de perpétuel flegme derrière le non-sens, la rigueur derrière le délire). Tout l’art de l’auteur réside dans cette apparente légèreté, recelant de trésors de sous-entendus, de références plus ou moins explicites, et de degrés de lectures qui se dévoilent successivement, avec panache et une constante jubilation. À (re)découvrir sans hésiter.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 25/04/2005 )
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