L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Le Petit Spirou (n°13) - Fais de beaux rêves
de Philippe Tome et Janry
Dupuis 2007 /  9.40 €- 61.57  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-8001-3859-6
FORMAT : 21,5x29,7 cm

Assistant dessin: Dan
Couleurs: Stéphane de Becker


Une dose de calot

À sa création, Le Petit Spirou pouvait apparaître comme audacieux, ou du moins original. Osant flirter avec les tabous du journal de Spirou et de sa tête d’affiche, abordant même un large soutien-gorge en gros plan sur la couverture de son premier album, il détonnait dans le cadre poli et bien élevé du magazine. Mais ne perdait pas pour autant en innocence, offrant le portrait drôle et délicat d’un regard enfantin.

Malheureusement, peut-être encouragés par le succès rival de Titeuf, le scénariste Tome finit au bout de quelques tomes par décliner la formule à l’outrance, transformant la retenue ambiguë en gags au premier degré et en dessous de la ceinture. Janry quant à lui prit assez vite un assistant, manifestation d’une série qui tournait, peut-être, au procédé.

Depuis, comme on peut le constater dans ce treizième volume, Le Petit Spirou évolue tranquillement, avec de lentes métamorphoses. Ses auteurs ont laissé à d’autres le soin de continuer les aventures du Grand Spirou, et son jeune avatar y a gagné un univers plus cohérent, libéré des jeux sur son avenir ou son costume. La majorité des gags tournent autour de quelques personnages privilégiés : si monsieur Mégot, l’insupportable prof de gym qui profite de ses cours pour boire des bières et torturer ses élèves, ne tire pas vers le haut la série, Grand-Mamy, version acariâtre de la grand-mère à la mémoire qui flanche, la renouvelle joliment depuis le volume précédent. Elle profite de l’absence des autres membres de la famille pour jouer sur les deux tableaux, l’affection et la cruauté vis-à-vis de son petit-fils. De quoi donner un caractère attachant, parfois source de gags originaux.

On regrette pourtant que, ces deux-là et l’abbé Langélusse mis à part, tous les personnages secondaires du Petit Spirou ont disparu. À peine entrevus, et pas au mieux de leur forme, la mère de Spirou, ses professeurs (Mademoiselle Chiffre en tête), ses camarades de classe. On dirait que monsieur Mégot fait plus rire ses auteurs que le héros initial. Le point de vue enfantin y perd, remplacé par un comique visuel où les déformations physiques de cette caricature enseignante tiennent lieu de chute.

Restent quelques belles trouvailles, des gags pourvus d’un rythme efficace et original, mêlant avec adresse les images muettes et les séquences parlées. Une page de strips également, surprise finale qui laisse bien entendre que les pistes du renouvellement sont là.

Tome et Janry cèdent souvent à l’envie d’évoquer le goût de l’actualité plus ou moins chaude. Revirement inattendu pour une série dont les premiers gags se plaçaient volontairement à une époque indéterminée, mais lointaine. On croise ici des voitures brûlées par des lascars (dont on retrouve aussi les modes de langage dans les bulles de Grand-Mamy), Spiderman et les Yamakasi, un téléphone portable et l’histoire de la colonisation. En cela aussi, ils prouvent qu’ils seraient capables d’enrichir leur univers, pour lui donner une tonalité propre.
Si l’album lasse souvent, il laisse aussi entendre que rien n’est perdu pour le Petit Spirou.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 08/10/2007 )
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