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Histoire & Sciences socialeset Moyen-Age  

Histoire littéraire du mouvement monastique dans l'Antiquité - Tome 12, A l'aube du Moyen Age (650-830)
de Adalbert de Vogüé
Cerf - Patrimoines Christianisme 2008 /  39 €- 255.45  ffr. / 340 pages
ISBN : 978-2-204-08258-7
FORMAT : 14,5cm x 23,5cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).

Aux sources du monachisme européen

Le père Adalbert de Vogüe, né en 1924, est bénédictin, docteur en théologie ; depuis 1974, il a entrepris de recenser les textes écrits par les moines sur la vie monastique au cours du Moyen Âge. Entreprise immense qui, pour la partie consacrée au monachisme latin, voit son terme avec la parution de ce douzième volume. Douzième et dernier volume pour la tradition latine, que son auteur offre «à Celui que saint Benoît appelait le Vrai roi et en qui j’ai mis mon espérance dans l’éternité» (p10). Oeuvre d’érudition scientifique soutenue par la foi.

La période embrassée, 650-850, est celle de l’expansion de la règle de saint Benoît de Nursie (Italie, VIe siècle) à l’ensemble de l’Europe, sous les soins, en particulier, de ce grand passeur que fut, à l’époque carolingienne, Benoît d’Aniane. Les conciles gaulois, la Règle canoniale de Chrodegang sont présentés. L’essentiel du livre recense les auteurs moines de la période. L’un des plus connus est le moine anglais Bède, né vers 672/73 et dont l’ouvrage le plus célèbre est l’Histoire ecclésiastique du peuple des Angles. Mais, pour son propos, le père Adalbert de Voguë s’intéresse à des textes secondaires dans son œuvre : les deux vies de saint Cuthbert et l’histoire des abbés de son monastère (Wearmouth-Jarrow).

Outre les textes que l’on pourrait dire «classiques» - Bède, Paul Diacre -, le père Adalbert de Vogüe présente des textes plus rares : les voyages dans l’au-delà de deux moines, l’irlandais Fursy (vers 650) et le français Barontus (vers 678/9), deux textes différents, écrits à une trentaine d’années d’écart, qui se complètent et insistent sur l’absolue nécessité de la conversion. Du Paradis, Fursy, pour le texte le plus ancien, ne voit rien, mais il revient imprégné de l’urgence de prêcher la pénitence aux hommes ; Barontus, en revanche, détaille sa vision (les quatre portes du paradis, et des visions de l’enfer où sont damnés entre autres deux évêques et des «vierges sottes») et revient convaincu qu’il lui faut d’abord se corriger soi-même. Les hagiographies de moines sont également des sources exploitées : vie de saint Wilfrid (mort en 709), évêque puis abbé de Ripon, qui pourrait être l’introducteur de la Règle de saint Benoît dans le Nord de l’Angleterre au milieu du VIIe siècle ; vie de saint Boniface (mort martyr en Frise en 754), vie de Benoît d’Aniane (mort en 821)…

Tous ces textes, recensés par le père Adalbert de Vogüe, permettent de suivre l’expansion de la règle bénédictine au cours de ces deux siècles (650-850) dans les différents espaces de la chrétienté occidentale : les VII-IXe siècles constituent une période de transition essentielle entre deux époques ; laissons la conclusion à l’auteur : «Ce code de saint Benoît sera le principal trait d’union entre le monachisme latin de l’Antiquité et celui des époques médiévale et moderne».

Œuvre érudite, somme étonnante, œuvre solitaire d’une vie entière, telle qu’on n’en entreprend plus guère à notre époque et qui rappelle les grands travaux des historiens ecclésiastiques des XVII-XIXe siècles, l’Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’antiquité est une référence essentielle pour les médiévistes et les spécialistes d’histoire religieuse. Mais ce travail monumental peut aussi intéresser quiconque s’interroge sur les origines de la chrétienté occidentale. Il est accompagné d’un bel appareil critique (notes de bas de page, annexes, index). En l’éditant dans leur collection «Patrimoines, christianisme», les éditions Cerf servent la cause désintéressée de la recherche et les historiens peuvent leur en être reconnaissants.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 16/09/2008 )
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