L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Derrière la façade - Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle
de William R. Newton
Perrin 2008 /  19 €- 124.45  ffr. / 268 pages
ISBN : 978-2-262-02930-2
FORMAT : 14cm x 21cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban: l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).

L’envers du décor monarchique

La versaillologie est une branche bien particulière de l’histoire de France, une branche érudite, pointilleuse, volontiers nostalgique. William Ritchey Newton a déjà illustré cette spécialité par deux livres importants : L’Espace du roi (2000) et La Petite Cour (2006), consacrés au logement des courtisans et des domestiques dans le château de Versailles depuis le règne de Louis XIV jusqu’à la Révolution.

Après ces gros volumes destinés aux spécialistes et aux passionnés, Derrière la façade est une évocation, plus légère et plus accessible au grand public, de la vie quotidienne des courtisans versaillais. L’étude est divisée en sept chapitres thématiques : le logement, la «bouche à la Cour», l’eau, le feu, l’éclairage, le nettoyage, le blanchissage. Le livre se clôt sur un dernier chapitre, «Arrière-pensées», qui traite des objectifs politiques poursuivis par les rois de France en s’installant à Versailles – méfiance à l’égard de la capitale, volonté de prestige, entreprise de domestication de la noblesse.

La partie la plus neuve de l’étude vient des dépouillements effectués par l’auteur pour ses précédentes recherches dans les archives de la direction générale des Bâtiments du roi. On y découvre l’envers du décor monarchique : l’entassement des habitants du château, l’inconfort, la saleté, les odeurs répugnantes. Les passages consacrés aux «lieux communs» sont de ce point de vue des morceaux d’anthologie.

Le temps passant, tandis que l’aménagement des demeures particulières connaît des progrès constants, le palais des rois reste engoncé dans la crasse dorée de l’époque louis-quatorzienne. Versailles vieillit, et l’argent manque pour l’adapter au goût du jour. De luxueux travaux sont entrepris jusqu’à la veille de la Révolution dans les appartements privés des souverains, mais les autres habitants de la Cour restent logés en 1780 peu ou prou comme en 1680. A la fin de l’Ancien Régime, le château offre l’aspect d’un vaste HLM mal entretenu. Les visiteurs étrangers ne s’y trompent pas. «Le palais de Versailles n’est pas du tout impressionnant», écrit Arthur Young en 1787.

Bref, l’usure de la monarchie se lit aussi au grand livre de Versailles, ce livre qu’elle avait ouvert pour raconter sa splendeur et sa gloire.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 25/11/2008 )
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