L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Richelieu. De Luçon à La Rochelle - (1618-1628)
de Collectif
Éditions du CVRH 2019 /  24 €- 157.2  ffr. / 396 pages
ISBN : 978-2-911253-86-7
FORMAT : 15,6 cm × 24,1 cm

Études réunies par Françoise Hildesheimer à l’occasion du 20e anniversaire de l’association «Sur les pas de Richelieu».

Françoise Hildesheimer collabore à Parution.com


Un personnage clé du XVIIe siècle européen

Trois grandes parties composent ce volume publié à l’occasion du 20e anniversaire de l’association «Sur les pas de Richelieu», qui œuvre à perpétuer la mémoire de l’évêque de Luçon en organisant des conférences, des colloques, des expositions, des représentations théâtrales (comme sa pièce Europe à laquelle est consacrée la contribution de Roger Roiland, qui clôt l’ouvrage) au cours desquels des dizaines d’historiens ont présenté leurs travaux sur Richelieu, son milieu, son action, ses réseaux, sa politique, sa théologie, etc., et permis à des centaines d’auditeurs et de lecteurs d’entrer dans une connaissance juste et approfondie d’un personnage clé du XVIIe siècle européen.

La première partie : Richelieu en son monde aborde les points les plus nécessaires pour connaître la formation et l’activité politique et religieuse d’Armand du Plessis. Françoise Bayard analyse la formation tardive de Richelieu en matière de finances. Si son apprentissage s’est développé aux aléas des événements familiaux, ecclésiaux et politiques, Richelieu a fait montre d’une grande lucidité, tout en ne parvenant pas à se dégager du poids des financiers. Bernard Cotteret et Nicole Lemaître, dans leurs études sur Pierre Dumoulin et l’ordre royal, et le pluralisme religieux, décrivent les relations de Richelieu avec le protestantisme et leurs répercutions politiques. Dans ces deux contributions, le cardinal apparaît comme un homme d’une nouvelle génération et l’artisan du rapport moderne entre l’Église et l’État, entre la théologie et la pensée politique. Rapport et équilibre soutenus par l’appartenance du prélat à l’Église par sa fonction, et aux politiques par son milieu familial (Pascal Rambeaud). Comme l’explique Stéphane Blond la mission pastorale de l’évêque de Luçon est tributaire du réseau routier poitevin mal connu, faute de documentation précise. Mais les carences des maillages routiers, reproduits dans le Guide des chemins d’Estienne, n’ont pas freiné l’œuvre du prélat dont les successeurs récolteront les fruits. De son côté, Yannis Suire décrit le marais poitevin au temps de Richelieu, les travaux de dessèchements annonciateurs du développement économique à venir. Enfin, l’étude très fouillées (annexes et pièces justificatives) et particulièrement neuve des preuves de noblesse d’Amadour de La Porte, oncle maternel de Richelieu, achève cette très instructive première partie.

La seconde partie, ''Autour de La Rochelle'', s’attache d’une manière très unifiée à l’histoire du siège de la ville, entre octobre 1627 et octobre 1628, et à ses conséquences. Yves-Marie Bercé, Joseph Berguin, Fadi El Hage, Dénes Harai, Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek, Raymond Williaume et Françoise Hidesheimer décrivent, chacun sous un angle différent et complémentaire (institutionnel, militaire, stratégique, imaginaire, politique, religieux, économique), l’importance de l’événement rochelais dans le retour de la France dans le concert européen. La victoire du pouvoir royal sur les huguenots met un terme aux querelles internes. L’un des bénéfices de ce succès est l’accroissement de la puissance maritime de la France (voir aussi les contributions d’Hugues Eudeline dans la 1ère partie et de Françoise Hildesheimer dans la 3e Partie), dont la peinture d’Henri Motte (1881) montre toute la force symbolique. Le roi peut désormais s’affronter à d’autres défis, particulièrement face à l’Italie et à l’Espagne des Habsbourg. Le binôme intérieur/extérieur, fermeture/ouverture analysé par Dénes Harai et l’excellente présentation des termes du conflit intérieur entre le Richelieu théologien catholique et le Richelieu ministre de Louis XIII, quant à l’action politique à conduire après 1629, situent le siège de La Rochelle comme un épisode charnière entre deux périodes de la carrière du cardinal. Après la conquête de Montauban, pendant laquelle Louis XIII vole la vedette à son principal ministre, Richelieu regagne Paris où il peut tâter l’hostilité ouverte de Marie de Médicis, qui annonce la Journée des Dupes, au lendemain du retour d’Italie.

Dans la troisième partie – ''L’héritage'' –, Laurent Avezou présente la figure de Richelieu dans l’historiographie «en devenir». La représentation du cardinal se construit progressivement au fil des années pour parvenir à celle d’intriguant, d’insidieux, d’ambitieux, de brouillon. La légende du tout-puissant manipulateur, se répand dans les libelles. Celle du vainqueur de La Rochelle sera récupérée par la IIIe République pour conforter l’esprit colonial. Mais la grande victoire du cardinal est celle de l’estime du roi pour son ministre. Le binôme Louis XIII-Richelieu entre dans l’historiographie après avoir marqué durablement l’histoire. Les représentations imaginaires ou réelles du cardinal sont récupérées aujourd’hui par les politiques. Solange Ségala le montre à partir des exemples de Marine Le Pen, Emmanuel Macron et d’autres encore. Mais c’est auprès de Henry Kissinger, dont Dominique Souchet, examine l’œuvre littéraire, que le cardinal apparaît comme un modèle, et le théoricien de la diplomatie moderne, de la doctrine d’État et de celle de l’intérêt national, dont l’oubli a de fâcheuses conséquences aujourd’hui.

La lecture de ce volume, extrêmement riche et abordable par sa pédagogie et la clarté de ses contributions, montre à quel point l’étude dépassionnée et objective de l’histoire est source d’enseignement pour ceux qui la font aujourd’hui.

Stéphane-Marie Morgain
( Mis en ligne le 18/03/2019 )
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