L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Dictionnaire historique de la France moderne
de Laurent Bourquin et Collectif
Belin 2005 /  24.90 €- 163.1  ffr. / 441 pages
ISBN : 2-7011-3336-X
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Agrégée d'histoire, Anne-Valérie Solignat prépare une thèse sur les noblesses auvergnate et bourbonnaise au XVIe siècle. Elle est actuellement allocataire-monitrice à l'université Paris 1.

Savez-vous ce qu’est un aa ?

Disons-le d’emblée : le foisonnement récent de manuels, de dictionnaires d’histoire moderne destinées tant aux étudiants de premier cycle qu’aux agrégatifs, aurait de quoi déconcerter le lecteur de bonne volonté, voire le décourager. Aux dictionnaires d’érudition, généralement fort volumineux, que sont le Dictionnaire de l’Ancien Régime de Lucien Bély et le Dictionnaire du Grand Siècle de François Bluche, viennent s’ajouter, depuis quelques années, plusieurs instruments de travail pédagogiques destinés à accompagner les premiers pas des jeunes étudiants noyés dans l’univers impitoyable de l’université et, accessoirement, de l’histoire moderne. Rejoignant le précurseur Lexique historique de la France d’Ancien Régime de G. Cabourdin et G. Viard, paru en 1978, et plus récemment, les dictionnaires de J-Y. Grenier et de R. Muchembled, - le premier édité chez Hachette en 2003 et le second chez Armand Colin à la rentrée 2004 -, le Dictionnaire de la France moderne que nous propose les éditions Belin semble être le dernier avatar d’une longue liste de dictionnaires à la qualité équivalente.

On peut donc s’interroger sur la pertinence de ce nouvel ouvrage dont, a priori, le projet éditorial n’est guère innovant. Son intérêt premier réside, à n’en pas douter, dans le choix des auteurs. En effet, de Laurent Bourquin, professeur à l’université du Maine et spécialiste de la noblesse et de la construction de l’Etat à l’époque moderne, à Frédérique Pitou en passant par Isabelle Brian, Jean-Marie Le Gall et Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, les éditions Belin ont réuni une équipe éditoriale équilibrée, dont les compétences diversifiées permettent de traiter efficacement aussi bien l’histoire politique, économique, religieuse, culturelle que sociale de la France d’Ancien Régime.

Excluant volontairement les notices évènementielles et biographiques, l’attention des auteurs s’est portée sur l’analyse du vocabulaire spécifique de l’époque moderne («parlement», «compoix», «dîme»), reflet et illustration ô combien éclairante d’un temps révolu et de mentalités disparues, dont le sens nous échappe trop souvent, nous privant par là-même d’éléments de compréhension et de critique nécessaires à l’étude des réalités de la société d’Ancien Régime. On ne peut que rendre grâce à cette orientation et, de ce point de vue, ce dictionnaire se révèle être un excellent instrument de travail tant pour les étudiants que pour les enseignants.

Autre qualité de l’ouvrage : le souci constant des auteurs de présenter et de définir les notions et les concepts forgés par les historiens. Même les pistes de réflexion les plus récentes, qui empruntent souvent à l’appareillage intellectuel d’autres sciences humaines connexes, ne sont pas ignorées. Ainsi les définitions que les auteurs donnent de «l’amitié», des «funérailles royales» et des «clientèles» témoignent des renouvellements récents de l’histoire politique. La liste des renvois en fin d’article a été volontairement réduite, ainsi que la bibliographie, afin d’aboutir diligemment aux informations recherchées. Les auteurs cherchent à rendre vivante la société d’Ancien Régime en faisant la part belle à la vie quotidienne, de celle des paysans à celle des Grands, et aux institutions de la France de la modernité. Si l’ensemble des articles est de haute tenue, il faut souligner plus particulièrement la grande qualité de ceux de J-M. Le Gall et d’I. Brian sur la vie religieuse, et des précieuses notices de Laurent Bourquin sur la noblesse, analysée non seulement dans sa dimension sociale mais également politique, ce qui contribue à singulariser largement ce Dictionnaire historique de la France moderne.

On peut cependant regretter l’absence, en fin d’ouvrage, d’un index qui aurait était fort utile ainsi que d’une bibliographie qui ne se serait pas limitée aux seuls dictionnaires d’histoire moderne. Les cartes demeurent trop rares et l’on aurait souhaité trouver, à côté des traditionnelles représentations des limites des diocèses et des ressorts parlementaires, des documents figurés plus précis et plus originaux. Il ne fait aucun doute qu’un usage plus approfondi de la cartographie aurait permis aux néophytes que nous sommes de saisir avec plus de clarté la complexité kafkaïenne de la France d’Ancien Régime !

Last but not least, il ne fait aucun doute que ce nouveau dictionnaire de la France moderne est un indispensable instrument de travail qu’il faut conserver à portée de main pendant les préparations d’exposés et les révisions de partiel. Et, en ce début de second semestre, on ne peut que conseiller aux étudiants de l’acquérir. Mais n’oublions pas qu’on peut également le feuilleter avec une délectation certaine, à la seule fin de se plonger dans un univers disparu, parfois inconcevable aujourd’hui. Et pour répondre à la question posée en titre de cette recension, un «aa» est un associatio amicorum, association secrète de clercs qui s’inscrivent dans le mouvement des congrégations dévotes nées lors de la Contre-Réforme !…

Anne-Valérie Solignat
( Mis en ligne le 13/03/2006 )
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