L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Révolution, Consulat, Empire - 1789-1815
de Michel Biard , Philippe Bourdin , Silvia Marzagalli et Collectif
Belin - Histoire de France 2009 /  36 €- 235.8  ffr. / 709 pages
ISBN : 978-2-7011-3366-9
FORMAT : 17cm x 24cm

Un manuel passionnant, c’est possible !

Les éditions Belin se lancent dans une ambitieuse entreprise de publication d’une nouvelle histoire de France en treize volumes sous la direction de Joël Cornette. Une première salve composée de quatre ouvrages est parue fin 2009, dont l’un est consacré à la période 1789-1815. On ne peut s’empêcher de le dire tout de suite, c’est une belle réussite. L’ouvrage a été divisé chronologiquement en trois parties, traitées par trois auteurs spécialistes des périodes concernées, Michel Biard pour la Révolution française jusqu’à la fin de la Convention (1789-1795), Philippe Bourdin pour le Directoire (1795-1799) et Silvia Marzagalli pour le Consulat et l’Empire (1799-1815).

L’ouvrage combine une approche chronologique et une approche thématique. La période étant particulièrement dense et riche en événements, ce traitement est appréciable. Après les chapitres davantage orientés vers les aspects politiques et traités chronologiquement, on trouve des synthèses sur l’économie, sur les cultes, sur les contre-révolutions et enfin sur les relations internationales en général et sur la guerre en particulier.

Le récit est clair sans être simpliste, didactique sans être ennuyeux. Il est non pas illustré mais étayé par une documentation très abondante. C’est, en sus de la qualité du récit, le point fort en même temps que la spécificité de ce manuel. La variété des documents est grande : tableaux de maîtres, iconographie populaire (avec une belle place faite à la caricature), extraits de libelles, de pamphlets, de traités politiques ou de textes philosophiques. On y trouve à la fois les sources les plus célèbres partout représentées (et c’est nécessaire dans un ouvrage tel que celui-ci), mais également des sources certes connues des chercheurs mais fort peu du grand public. Les auteurs ont puisé dans les grands musées, les centres d’archives et les collections particulières, qu’ils soient publics ou privés, français ou étrangers. Chaque document est pourvu d’une courte notice l’identifiant précisément (localisation, origine, date, contexte de production) et en donnant en quelques lignes le sens et l’intérêt.

A «l’histoire qui répond», succède, sans s’y opposer, «celle qui questionne» selon l’heureuse formule de Joël Cornette. Suivent en effet des chapitres rangés sous le titre «L’atelier de l’historien» qui regroupent des outils précieux, utiles à l’étudiant, au chercheur, au professeur mais aussi intéressants pour l’amateur. On trouve des exemples de sources analysées (caricatures révolutionnaires par exemple), des études de cas à partir de documents (meurtre spectaculaire de l’intendant de Paris Berthier de Sauvigny le 22 juillet 1789). Quelques exemples montrent que les débats sont loin d’être clos sur la Révolution : une place est bien évidemment faite aux interprétations de la Terreur, mais aussi à d’autres sujets comme la place des femmes dans la Révolution ou encore le sens à donner à la première abolition de l’esclavage en 1794. Enfin, une synthèse fait le point sur l’historiographie de la Révolution depuis les origines (c’est-à-dire depuis l’événement lui-même en réalité) jusqu’à nos jours. D’indispensables «outils» viennent compléter l’ensemble : une chronologie claire et lisible, une trentaine de notices biographiques sur les protagonistes de la période, une bibliographie classée par chapitre, une table des références iconographiques et textuelles et, bien entendu, un index. Ajoutons un détail qui paraît secondaire mais qui joue un grand rôle pour un ouvrage de quelque sept cents pages : la mise en page est d’une clarté remarquable, le livre, malgré son volume et sa densité, est très agréable à lire.

Il faut bien le reconnaître, on lit la plupart du temps un manuel par obligation, pour aborder une période mal connue, se remettre à niveau sur un point oublié ou encore vérifier tel ou tel détail, mais rarement par plaisir... Une fois n’est pas coutume, ce manuel est plaisant à lire, on se surprend à ne pas arriver à s’en détacher ! Manuel ne rime donc plus avec ennui. Non plus qu’avec fausse objectivité affichée. Le fait que l’on voie l’historien au travail dans la deuxième partie, que l’on assiste à la construction, à partir des mêmes matériaux, de différentes interprétations autour d’un même sujet invite à considérer l’histoire comme une construction tâtonnante indéfiniment retravaillée et non comme une somme stabilisée, résultat d’une synthèse raisonnable. Tout récit historique est une construction non neutre. Et cela s’applique inévitablement au récit de la première partie : cette histoire qui «répond» est forcément orientée. Même si elle s’efforce ne pas gommer les interprétations concurrentes, elle prend parti, c’est sans doute particulièrement le cas de la période napoléonienne. Et c’est peut-être un reproche que l’on lui fera : abrité derrière un style apaisé et propre à l’écriture des manuels, la première partie peut apparaître comme le résumé de ce qui est communément admis par opposition aux débats de la deuxième partie. Mais faisons plutôt confiance à la sagacité du lecteur et à sa capacité à explorer la bibliographie fournie !

Cécile Obligi
( Mis en ligne le 13/04/2010 )
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