L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Littérature et guerres - Sartre, Malraux, Simon
de Philippe Sabot
PUF - Lignes d'art 2010 /  27 €- 176.85  ffr. / 280 pages
ISBN : 978-2-13-057891-8
FORMAT : 15cm x 22cm

L'auteur du compte rendu : Claire Aslangul est maître de conférences en civilisation de l'Allemagne contemporaine à l'université Paris Sorbonne (Paris IV). Ses travaux portent sur l'histoire des mouvements artistiques, de la culture populaire et de l'image aux XIXe et XXe siècles.

Guerre et pensée

Quels rapports entretiennent philosophie et littérature ? Après s’être penché sur Breton, Eluard, Bataille et Leiris pour examiner les Figures du sujet (2001) et avoir mis en lumière de manière plus théorique les enjeux du problème (Philosophie et littérature, 2002), Philippe Sabot nous entraîne ici sur les traces de trois écrivains-philosophes : Jean-Paul Sartre, André Malraux, Claude Simon.

A partir de l’angle thématique de la guerre, l’auteur livre une lecture «philosophique» de leurs textes littéraires : Le Diable et le Bon Dieu (1951), Les Noyers de l’Altenburg (1943) et Les Géorgiques (1981). La représentation théâtrale ou la fiction romanesque mettant en scène les moments de crise que constituent les conflits permettent de saisir des itinéraires singuliers et qui, pourtant, renvoient à des questions existentielles communes sur le sens de l’histoire, le déclin de la civilisation, la place de l’homme dans la société, le rapport au divin.

Expérience de l’aliénation, recherche de transcendance, interrogations sur la possibilité du discours même : ces thèmes reviennent toujours lorsqu’on s’intéresse à la littérature produite en guerre, ou sur la guerre, par des témoins directs, pour qui l’expérience du conflit a souvent signifié un tournant biographique. Carine Trevisan (Les Fables du deuil, 2001) et Nicolas Beaupré (Écrire en guerre, écrire la guerre, 2006) en ont livré des analyses remarquables, du point de vue de la spécialiste de littérature et du point de vue de l’historien. En adoptant celui du philosophe, Philippe Sabot propose ici une perspective différente, qui s’adresse plus directement aux spécialistes. Car si les textes sont amplement cités, l’auteur cherche surtout à définir la manière dont ces derniers s’articulent avec les «systèmes de pensée» des écrivains, et la guerre elle-même apparaît souvent surtout comme un prétexte pour analyser les rapports de complémentarité et d’opposition entre écriture philosophique et littéraire. Les trois études sont fines et détaillées, mais on regrettera leur articulation en trois volets séparés : seul l’avant-propos présente, sur cinq petites pages, les points communs et différences des œuvres ; c’est au lecteur de faire la synthèse et de tirer les conclusions.

Le lecteur philosophe sera donc ravi de dérouler le fil et de prolonger l’analyse ; le lecteur non spécialiste se trouvera pour sa part mis au défi de plonger dans l’univers philosophique et littéraire de ces grandes figures – gageons qu’à défaut de comprendre le détail d’une présentation érudite, il gagnera l’envie de relire les beaux textes de Sartre, Malraux et Simon.

Claire Aslangul
( Mis en ligne le 06/07/2010 )
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