L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Une religion pour la République - La foi laïque de Ferdinand Buisson
de Vincent Peillon
Seuil - La librairie du XXIe siècle 2010 /  19 €- 124.45  ffr. / 285 pages
ISBN : 978-2-02-098521-5
FORMAT : 14cm x 22,7cm

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à l’Université Paris-VIII.

Une loi, une foi, une République

Vincent Peillon, député européen socialiste et ancien professeur de philosophie, croit, avec raison, que le débat public ne peut se passer d’idées et encore moins d’une dimension historique. C’est pourquoi, après avoir écrit un essai sur la Révolution française qui, à le lire, ne serait pas encore finie, il revient, ces temps-ci, sur les origines du pacte républicain, notamment sur la laïcité qui n’est pas la moindre des singularités françaises.

Au moment où le Parlement vote une loi interdisant la Burqa, il ressuscite l’une des figures de proue du modèle républicain français, mais aussi le grand architecte de l’école républicaine, Ferdinand Buisson (1841-1932). Célébré en son temps, ce président de la Ligue française des droits de l'Homme de 1913 à 1926, prix Nobel de la paix en 192,7 permet à Vincent Peillon de s’interroger sur les liens entre religion et république. Selon lui, la laïcité de Buisson n’était autre qu’une religion civique nécessaire à l’établissement d’une République, par ailleurs combattue par l’autorité pontificale. Buisson nourrissait l’ambition de «construire la religion universelle (…) dont la Révolution a besoin pour s’accomplir et la République pour se fonder» (p.43).

Cette religion républicaine devait pouvoir émanciper les Français du dogmatisme catholique, les détourner à jamais de la monarchie et enfin leur permettre de se réconcilier autour du nouveau régime. Ce fils de protestants était en effet convaincu que l’homme aspire au divin. Parce qu’à ses yeux, le positivisme faisait courir le risque d’abandonner les âmes au catholicisme seul, il milita toute sa vie pour une religion laïque «de salut terrestre et de transformation sociale» (p.26).

Vincent Peillon analyse, non sans finesse, les origines de cette pensée qui peut sembler paradoxale. Edgar Quinet, également négligé par nos contemporains, occupe ainsi une part importante de cet ouvrage. Malheureusement, la place trop importante qui lui est accordée nous fait perdre trop vite le personnage principal du livre, transformant peu à peu l’ouvrage en somme réflexive, parfois un peu dissertative, alors que la vie et l’action de Buisson auraient suffi à nous faire comprendre plus simplement la culture politique de ce moment fondateur pour la France.

Malgré tout, saluons l’entreprise d’un homme politique qui vient nous rappeler que l’héritage de notre système républicain ne se résume pas à la mémoire de De Gaulle, à la constitution de 1958, mais puise ses racines dans cette génération à cheval entre le XIXe et le XXe siècles, qui voulut faire accéder l’être humain à la condition de citoyen à la faveur d’une spiritualité capable de l’émanciper par la raison et non pas par un dogme. La position minoritaire de Vincent Peillon au sein de son parti peut nous faire douter de sa capacité à le faire renouer pleinement avec les pères fondateurs du mouvement républicain.

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 13/07/2010 )
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