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Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Les Poilus de Harlem - L'épopée des hellfighters dans la Grande Guerre
de Thomas Saintourens
Tallandier 2017 /  19,90 €- 130.35  ffr. / 283 pages
ISBN : 979-10-210-1390-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

La boue n'a pas de couleur

Le 1er janvier 1918, résonne en rade de Brest un tonitruant concert jazz improvisé, donné par la musique du 15e régiment d’infanterie de la garde nationale de New-York, ''The Old 15th''. Ce régiment, qui arrive des États-Unis pour soutenir l’effort de guerre allié, a la particularité d’être exclusivement composé de soldats et d’officiers noirs, menés par quelques hauts gradés blancs idéalistes.

Lancée à New-York dès le début de la guerre par un avocat noir, l’idée de ce régiment «coloured» s’impose en 1916 grâce à William Hayward, brillant avocat blanc proche des milieux politiques. Prenant la tête de ce régiment de Harlem, il est obligé de faire appel à des fonds privés pour équiper ses hommes. À l’été 1917, lorsque la garde nationale rejoint l’armée régulière, le 15e régiment compte 2053 hommes et 54 officiers. L’administration américaine est très embarrassée par ''The Old 15th'', mais elle finit cependant par l’envoyer en France à la fin de l’année 1917. Une fois débarqué, le régiment de Harlem continue à déranger les autorités américaines sur place. En effet, Pershing répugne à l’utiliser, d’autant plus que les ordres de Washington sont très clairs : tout mélange entre troupes blanches et troupes de couleur est interdit. Les soldats du 15e sont alors envoyés dans un premier temps vers les postes d’arrière-garde du SOS, ''Service of Supply''.

Cette affectation ne convient pas du tout aux officiers supérieurs du régiment. Ces défenseurs de la cause afro-américaine veulent utiliser la guerre pour sortir de l’ombre et pousser leurs revendications dans une Amérique ségrégationniste qui cherche à cantonner les hommes de couleur dans des positions subalternes. Les officiers du 15e souhaitent montrer que les hommes noirs peuvent eux aussi se battre, qu’ils peuvent eux aussi devenir des héros. Pour populariser son régiment, Hayward décide de mettre en avant sa fanfare. Celle-ci est dirigée par James Reese Europe, musicien, chef d’orchestre, vedette incontestée du jazz et du ragtime outre-Atlantique. Il a fait de cette fanfare un véritable orchestre, qui part en tournée dans toute la France, avec un succès jamais démentie. Le chef et ses musiciens acquièrent très vite une notoriété importante et deviennent en quelques semaines un véritable instrument de relations publiques mis au service de Pershing. Cette politique est payante puisque le 10 mars 1918 le 15e régiment quitte l’arrière et rejoint le front. Il ne combat pas auprès des troupes américaines, il intègre l’armée française et devient ainsi le 369e régiment d’infanterie américain (369e RIUS) au sein de la 4e armée dirigée par le général Gouraud.

Ces poilus atypiques participent aux grandes batailles de l’été 1918. Ils se distinguent bien vite au front, au point de gagner un surnom, donné par l’ennemi et repris par les alliés, les ''Hellfighters'', les soldats de l’enfer. À la fin de la guerre, le régiment est décoré de la croix de guerre. 170 soldats reçoivent eux aussi à titre personnel cette prestigieuse décoration, plus qu’aucune autre unité américaine engagée dans la guerre. Les soldats noirs du 369e RIUS sont émus par l’accueil chaleureux que leur réservent les soldats français qui les traitent sur un pied d’égalité, ainsi que par l’esprit de camaraderie qui règne dans les tranchées.

Après avoir goûté aux joies de l’égalité raciale en France, le retour des poilus de Harlem aux États-Unis sera bien difficile, même si la grande parade du 17 février 1919 dans les rues de New-York les fait rentrer dans l’Histoire.

Thérèse Krempp
( Mis en ligne le 13/10/2017 )
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