L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Les Résistants - L'histoire de ceux qui refusèrent
de Robert Belot , Eric Alary et Bénédicte Vergez-Chaignon
Larousse 2003 /  42 €- 275.1  ffr. / 320 pages
ISBN : 2-03-505265-3
FORMAT : 26x31 cm

L'auteur du compte-rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.

Eric Alary est collaborateur à Parutions.com


La résistance illustrée

Il y a un paradoxe à vouloir illustrer l’histoire d’un mouvement qui agissait dans l’ombre, et attachait donc du prix à ne pas avoir d’image… presque une gageure, mais le pari relevé par Robert Belot, maître de conférences à l’UTMB, à la tête d’une équipe choisie, est largement gagné : le très bel ouvrage consacré à «ceux qui refusèrent» est déjà une réussite visuelle, incontestablement un «beau» livre.

D’emblée, Les Résistants attire le regard et la curiosité par l’ampleur de l’iconographie : documents divers, cartes, photographies…la plupart du temps originaux, ce qui n’est pas anodin, tant il est vrai que certains documents se retrouvent d’un livre à l’autre, comme une illustration quasi officielle d’un événement ou d’un personnage. Le parti pris d’originalité adopté par les documentalistes est donc à souligner et à apprécier. Par ailleurs, le livre est à la fois compact et clair, le texte étant très largement servi par les images. En particulier, et c’est l’une des conséquences inattendues de cette lecture, les nombreuses photos de ces hommes et femmes de l’ombre confèrent au texte une dimension quasi affective et permettent au lecteur d’identifier, presque de s’approprier, ces illustres anonymes, tant la mémoire fonctionne sur l’association de l’image et du verbe. Les résistants dont on a lu les noms sur des plaques de rues, connu les parcours, voire le martyre, ont rarement un visage : grâce à ce livre, ils acquièrent enfin une identité, presque une vie propre. La présentation en elle-même est d’excellente qualité : on est bien loin de cette époque de papier rationné et de mauvaise qualité…la typographie, qui imite celle des journaux clandestins par endroit, donne à l’ouvrage des allures de fac-similé.

Mais il ne faudrait pas s’arrêter aux seules images : ce serait négliger la qualité des textes, dus à une équipe de jeunes et talentueux chercheurs, qui se sont déjà illustrés sur la période. Ainsi, Eric Alary est l’auteur d’une remarquable – et remarquée – étude sur la ligne de démarcation (Seuil, 2003). De même pour Bénédicte Vergez-Chaignon, à qui l’on doit une solide biographie du docteur Ménétrel (Perrin, 2002) qui nous fit entrer naguère dans l’intimité du maréchal Pétain et de Vichy. Robert Belot enfin, en maître d’œuvre, livrait encore récemment un Henri Frenay (Seuil, 2003) novateur à de nombreux point de vue. Le texte est donc, à la hauteur de la recherche documentaire, une réussite, et trouve son inspiration aux sources de l’historiographie actuelle de la période.

L’ouvrage se présente comme une succession d’articles, organisés autour de huit grands chapitres, de juin 1940 à la Libération : au sein de ces parties, les articles défilent chronologiquement et thématiquement, comme une chronique du refus et de ses risques. Quelques grands portraits figurent ces héros de l’ombre, comme Pierre Maillaud dit Pierre Bourdan, la voix de Radio-Londres, ou Henri Frenay, l’un des premier chefs de la résistance intérieure au sein de Combat, sans oublier Jean Moulin et de Gaulle (comment les oublier du reste ?). De même, les grands moments de la résistance font l’objet de développements particuliers et objectifs quant aux débats en cours, tels le guet-apens de Caluire (et la question Hardy) ou la naissance du CNR, c’est-à-dire de la résistance structurée. De la sorte, en abordant le sujet sous différents aspects comme la géographie (avec Marseille par exemple), la littérature et la presse ou encore les méthodes (attentats et sabotages), les auteurs nous font côtoyer une réalité et des hommes que l’Histoire a parfois tendance à figer, à panthéoniser. Cette dimension de vie quotidienne nous rappelle qu’il s’agit là d’une histoire très contemporaine.

Au hasard de ce voyage au cœur de la résistance, on croise donc les grandes figures de la Résistance, intérieure et extérieure, mais aussi les sans-grade… ainsi que l’ennemi, qu’il soit français (la Milice, Vichy…) ou allemand. Ce découpage permet au lecteur pressé de rechercher un nom, une date ou bien un épisode précis, avec son illustration, et la présence d’un index justifiant nettement cet usage. Mais il favorise également une lecture de fond, années après années, jour après jour, qui, du fait des articles écrits dans un style alerte et précis, n’est jamais monotone. La vertu pédagogique de l’ensemble est indéniable. Il n’est donc pas nettement destiné à un lectorat en particulier (même si le public scolaire et universitaire en tirera un réel profit), mais au contraire peut s’adresser à tous les publics, si curiosité pour la question il y a.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 05/11/2003 )
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