L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Passion Napoléon - Par l'épée et par la plume
de Jacques-Olivier Boudon
Textuel 2004 /  47 €- 307.85  ffr. / 191 pages
ISBN : 2-84597-111-7
FORMAT : 26x29 cm

L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org.


L'homme et ses légendes

Sous couvert de la publication de l’un des beaux livres suscités par le bicentenaire de la proclamation de l’Empire, Jacques-Olivier Boudon signe ici un ouvrage qui tente de faire la part des choses au sujet des passions suscitées par Napoléon. Car l’empereur a fait naître une abondante littérature témoignant de ce qu’il n’a laissé personne indifférent, mais il a lui-même produit ou fait produire nombre de pages qui ont contribué à forger sa légende. Jacques-Olivier Boudon propose donc ici de réfléchir sereinement sur l’œuvre menée par Napoléon, mais aussi par ses collaborateurs, afin de comprendre également l’engouement provoqué par l’homme et son épopée militaire.

Chacune des périodes constituant la vie de Napoléon est donc l’objet d’une courte mais pertinente analyse : ainsi, à propos de l’enfance et de la jeunesse de Bonaparte, l’auteur n’oublie pas de souligner le décalage du jeune officier par rapport à la Révolution, mais aussi par rapport à son milieu d’origine, la petite noblesse de province. Il pense initialement bien davantage à la Corse qu’à la Révolution, mais dans le droit fil de la culture des Lumières dont il s’est abondamment nourri, il est séduit par le jacobinisme et en aucune façon par la Contre-Révolution. A partir de Toulon, Bonaparte peut faire figure de «général de la Révolution», même si d’autres officiers avaient alors recueilli autant de lauriers que lui. S’il est alors avant tout un militaire, il n’en prépare pas moins, alors, sa carrière politique. Ce qui éclaire la façon dont, en Brumaire, il maîtrise rapidement les fils d’un complot initialement tramé sans lui. Et s’il en vient à établir une dictature où l’opposition est muselée, c’est toutefois en s’inscrivant dans l’héritage révolutionnaire.

Même le passage à l’Empire est marqué par le respect de l’égalité : en revanche, l’étiquette dont Napoléon prend soin de s’entourer le conduit à se couper de plus en plus des réalités de son temps : «Napoléon est gagné par la démesure», souligne finalement Jacques-Olivier Boudon. De plus, l’Empire est finalement associé à la guerre par la nécessité d’imposer son régime comme une réalité intangible, ce qui a incontestablement pesé sur la société française. Sur ce point, on s’étonne que l’auteur ne soit pas plus explicite quant aux nuances à établir au sujet des successives significations des campagnes napoléoniennes. On le suit en revanche parfaitement quand il souligne que Napoléon a certes soif de puissance, mais qu’il est aussi entouré d’hommes qui ont également intérêt à la poursuite de la guerre. On appréciera aussi le souci des nuances lorsqu’il est précisé que l’Empire n’est pas une dictature militaire puisque le pouvoir reste entre les mains des civils, mais que l’armée n’en est pas moins un pilier essentiel du régime. On suit également l'auteur lorsque, dans le mariage avec Marie-Louise, il voit un moment de rupture majeure avec la Révolution et de divorce avec l’opinion publique. Toutefois, la campagne de 1814, en laissant apparaître Napoléon comme un homme trahi, contribue déjà à forger l’image du héros : là encore, les mises en perspectives proposées par Jacques-Olivier Boudon sont les bienvenues.

Certes, l’iconographie peut paraître ici moins belle que dans le volume publié en même temps chez Larousse : il faut cependant particulièrement apprécier la publication de documents rares et de fac simile de sources diverses ; on regrettera en revanche le parti pris par la collection de rejeter l’identification des illustrations en fin de volume. Mais on doit surtout souligner que le texte de ce livre-ci est bien plus riche et bien plus stimulant que celui du volume dirigé par Dimitri Casali.

Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 24/11/2004 )
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