L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Trafalgar
de Rémi Monaque
Tallandier - Bibliothèque napoléonienne 2005 /  25 €- 163.75  ffr. / 393 pages
ISBN : 2-84734-236-2
FORMAT : 15 x 22.5 cm

L’auteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé d’Histoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur l’histoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif.

Indispensable sur Trafalgar

Il y a quelques mois, nous commémorions deux batailles emblématiques de l’Empire napoléonien : Trafalgar et Austerlitz. Dans un apparent paradoxe, il semble d’ailleurs que, en France, Austerlitz soit passée, officiellement et médiatiquement, au second rang… Quoi qu’il en soit, Austerlitz demeure à bien des égards la victoire par excellence de l’épopée napoléonienne. Génie stratégique de Napoléon, rapidité de mouvement des troupes et corps d’armée, logistique impeccable animent cette campagne. Esprit d’initiative, autonomie des chefs, schéma tactique clair et souple, puissance de feu et de choc concentrée, motivation des hommes sont parmi les facteurs décisifs de la victoire incontestée sur le champ de bataille.

Rémi Monaque dresse pour nous un portrait à l’exact opposé de Trafalgar, symbole même de la victoire, pour les Anglais. Il fonde son analyse sur une étude précise et approfondie de multiples sources, en partie inédites, savamment croisées et critiquées. Il démontre sa maîtrise des historiographies française, britannique mais aussi espagnole tout en tenant compte des éventuelles orientations de chacune : gloire de Nelson pour les uns, rejet mutuel de la cause de la défaite pour les autres, etc. Rémi Monaque adopte une vraie posture d’historien en cherchant à nous rendre intelligibles à la fois la bataille et ses interprétations, sans considération bassement nationaliste.

Pour cela, il organise son ouvrage d’une manière pleinement satisfaisante et démonstrative : première partie, prémices et contextes multiples ; deuxième partie, l’affrontement et ses conséquences à de nombreux niveaux. Son écriture claire, précise et agréable, largement émaillée d’anecdotes significatives et de citations commentées, sert de parfaite manière l’intelligence de cette structure. D’autre part, et c’est un plus, l’exposé s’appuie sur des croquis, des schémas et des annexes très utiles, assez complètes et très didactiques. Elles viennent utilement compléter le texte et permettent de remettre en perspective de nombreux éléments de cette bataille : listes et caractéristiques des navires engagés de part et d’autre ; considérations explicatives sur l’artillerie de marine ; multiples renseignements comparatifs sur les équipages des trois nations ; tactiques et signaux usités ; bilan des pertes humaines. A tout ceci s’ajoute un chapitre plus anecdotique consacré à «la légende de l’homme qui tua Nelson». A toutes fins utiles, l’ouvrage a été doté d’un index des noms de personnes et de navires ainsi que d’un glossaire des termes de marine employés.

Nous l’avons dit, Rémi Monaque ne se contente par de commettre une description, même romancée, de la bataille. Non : il explique et démontre, il analyse et confronte. C’est ce qui fait la grande qualité scientifique de l’ouvrage. Loin de faire de l’amiral Villeneuve l’unique responsable – c’est une manière de noyer les carences et les autres responsabilités –, l’auteur examine finement les hommes et leur pensée, les faits et leur chronologie. Il en ressort que, certes, Villeneuve n’était pas le bon chef au bon commandement (lui-même d’ailleurs aurait préféré ne pas être là) mais le principal responsable reste sans doute Napoléon. En effet, la volonté du «grand dessein» ne pouvait seule suffire et l’on peut se demander si la marine impériale avait bien les moyens de la politique de l’Empereur. Ce dernier ne semblait en tout cas pas très au fait des choses de la navigation et de la marine et semble appliquer tel quel son génie terrestre – indéniable – à la guerre sur mer. N’est-ce pas lui qui, alors qu’il a de toute évidence abandonné, au moins pour un temps, l’idée d’envahir l’Angleterre, va en quelque sorte contraindre Villeneuve, sous peine de déshonneur, à jeter l’essentiel des flottes combinées française et espagnole dans une bataille non stratégique ? On se demande alors quel aurait été le profit d’une improbable victoire, compte tenu des réserves britanniques. En ce sens, on s’interroge sur l’impact stratégique de la victoire anglaise, malgré l’immense retentissement qu’elle a eu.

L’analyse minutieuse de tous les aspects de la bataille et de son contexte amène Rémi Monaque – et ce sont de très belles pages – à confronter les idées tactiques en vigueur et à mettre en évidence la pertinence des vues défendues par Nelson. Le plus dramatique est que Villeneuve a deviné la tactique de son adversaire mais se révèle incapable de formuler une réponse adaptée. L’initiative est définitivement anglaise ; la victoire aussi.

En définitive, nous avons ici un très bel ouvrage d’histoire que l’on ne peut que chaudement recommander tant il s’avère remarquable à tous égards.

Rémi Luglia
( Mis en ligne le 30/03/2006 )
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