L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Les Français et l'Empire - (1799-1815)
de Natalie Petiteau
Boutique de l'histoire 2008 /  25 €- 163.75  ffr. / 278 pages
ISBN : 978-2-910828-46-2
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Agrégé, Pierre Triomphe vient de soutenir une thèse sur «Les mises en scène du passé au Palais-Bourbon (1815-1848). Aux origines d’une mémoire nationale». Il a publié L’Europe de François Guizot (Privat, 2002).

Nouveaux regards sur les attitudes politiques des Français sous l’Empire

Les rapports féconds entre histoire et science politique ces dernières années apportent un nouvel éclairage sur la politisation au «ras du sol», sur la façon dont les classes populaires sont devenues des acteurs essentiels des luttes partisanes, à l’échelle locale ou nationale, entre la Révolution française et la fin du XIXe siècle. Prenant leurs distances avec une vision téléologique faisant de l’avènement du suffrage universel et de la République les finalités évidentes de ce processus, des auteurs comme Christophe Voilliot ont montré l’évolution de la signification de l’acte électoral au cours de la période. Dans le même temps, d’autres auteurs ont souligné comment la violence (Jean-Clément Martin), les rumeurs (François Ploux), les cérémonies comme les fêtes ou les enterrements (Emmanuel Fureix) avaient pu constituer des formes d’entrées en politique, auxquelles les autorités s’avèrent de plus en plus sensibles à une époque où elles s’efforcent de surveiller voire de gouverner les esprits, particulièrement sous le Premier Empire.

Ces problématiques sont au cœur de l’ouvrage de Natalie Petiteau, une spécialiste reconnue de l’histoire de l’ère napoléonienne et de sa mémoire (Napoléon. De la mythologie à l’histoire, Seuil). Elle s’intéresse notamment aux indications que les paroles politiques, souvent dissidentes et traquées par les autorités, nous donnent sur les conceptions politiques de l’époque. L’originalité majeure de ce travail réside en effet dans la place accordée aux réactions des «anonymes», et non des élites, face à la mise en place puis à l’évolution du régime napoléonien de 1799 à ses chutes successives en 1814 puis en 1815. Le titre Les Français et l’Empire, est d’ailleurs quelque peu surprenant : l’ouvrage consacre une large place aux années du Consulat, et par ailleurs, tout en évoquant les réactions des Français à certaines mesures gouvernementales (conscription, concordat, impositions…), montre de façon convaincante que les représentations politiques des classes populaires portent non sur un système politique, mais sur une figure perçue de façon contrastée, Napoléon Bonaparte.

L’auteure s’appuie sur une bibliographie conséquente et récente, divers témoignages de contemporains, ainsi que sur le dépouillement de sources archivistiques tant locales que nationales, notamment les bulletins de police. L’analyse systématique du contexte qui a présidé à l’élaboration de ces différents documents est une autre caractéristique de ce travail. Cela conduit Natalie Petiteau à rester prudente quant à la représentativité des différentes manifestations qu’elle étudie, quant à leur évolution dans le temps ou à l’identification de tempéraments régionaux distincts. Il semble néanmoins, sans grande surprise, qu’après une réaction plutôt favorable lors des premières années du régime, l’opinion devienne de plus en plus réticente à partir des années 1807-1809, l’intervention en Espagne, le retournement de la conjoncture économique et les désastres militaires qui s’enchaînent à partir de 1812 offrant aux opposants des occasions de se faire entendre à nouveau, sans cependant occulter la persistance jusqu’à la seconde Restauration de manifestations éclatantes d’adhésion à la cause impériale.

Ces épreuves et les brassages de population qu’elles impliquent ont par ailleurs contribué à forger des liens de solidarité et des sentiments d’appartenance commune entre les Français. Au total, l’ouvrage, assez bref eu égard à l’ensemble des problèmes abordés, apporte un éclairage intéressant sur ces années qui constituent une étape importante dans la genèse de la vie politique moderne, même s’il n’apporte pas forcément de réponses à toutes les questions qu’il soulève. La consultation des synthèses récentes de Jacques-Olivier Boudon et de Thierry Lentz demeure par ailleurs indispensable pour apprécier de façon plus complète la vie politique de ces années.

Pierre Triomphe
( Mis en ligne le 16/07/2008 )
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