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Histoire & Sciences socialeset Temps Présent  

Quel maire pour Paris ? - Chronique des batailles électorales (1977-2014)
de Yvan Combeau
Les Editions de Paris - Essais & documents 2014 /  16 €- 104.8  ffr. / 230 pages
ISBN : 978-2-84621-195-6
FORMAT : 14,8 cm × 23,0 cm

L'auteur du compte rendu : Professeur agrégé d'histoire, maître de conférences à Sciences Po, et Secrétaire général adjoint du Comité international des sciences historiques, Pascal Cauchy a étudié l'histoire et l'historiographie de l'Union soviétique et le militantisme au sein du Parti communiste français. Il collabore à plusieurs revues de sciences sociales (Vingtième Siècle, revue d'histoire ; Communisme). Il est conseiller éditorial auprès de maisons d'éditions françaises.

Paris tremplin ?

Depuis 1977, Paris a retrouvé son maire. Depuis lors, trois hommes se sont succédé à l’Hôtel de ville. En 2014, selon toute vraisemblance, une femme deviendra le nouvel édile de la capitale. Voilà une expérience politique désormais suffisante et un moment opportun pour mieux comprendre les enjeux qui font, à Paris, du vote municipal une élection exceptionnelle.

Yvan Combeau, dans son dernier ouvrage, démonte avec talent les mécanismes des «batailles électorales» de Paris et leur singularité. Car Paris n’est pas n’importe quelle ville, c’est la capitale du pays, son histoire turbulente lui a même valu une mise sous tutelle par l’Etat durant un siècle et demi. Aussi l’idée d’un maire pour Paris n’allait-elle pas de soi quand Valéry Giscard d’Estaing décide de redonner à la ville la fonction suspendue. Ce livre montre bien quelles ont été les conditions du choix, les hypothèses qui demeurent encore.

Paris étant une scène d’affrontement national, il est normal que plusieurs questions taraudent les camps en compétition. Faut-il un candidat «d’envergure» nationale ou un notable local ? Le choix de Jacques Chirac, ancien Premier ministre et chef de parti, contre le candidat «officiel» de l’Elysée, Ornano, montre que Paris n’avait rien perdu de sa primogéniture politique qui a permis à tant de candidats à la députation parisienne de faire carrière, comme le rappelle le premier chapitre de l’ouvrage.

Paris incubateur politique, l’hypothèse est séduisante. Pourtant la suite de l’histoire montre que ce n’est pas si simple. Jacques Chirac a maintenu son encrage en Corrèze, et elle fut sans doute aussi déterminante – au moins symboliquement - que l’appareil parisien dans son élection à la magistrature suprême. L’arrivée de Jean Tibéri, figure plus locale - mais médiatique et contestée – érode l’idée du tremplin ; dans son propre camp, ses détracteurs le considèrent d’ailleurs comme un maire intérimaire. Pour Bertrand Delanoë, le doute demeure.

Mais l’ouvrage explore d’autres domaines tout à fait intéressants. Dans cette ville sous la surveillance du pouvoir pendant des siècles, il est normal que les habitudes d’intrusions ou de rivalités persistent. Le livre en retrace la chronique et montre bien cette lutte incessante pour l’espace entre les deux citadelles, qu’il s’agisse des prérogatives municipales ou de la représentation internationale. De ce point de vue, la période de cohabitation sous Mitterrand se révèle fort instructive. Si la bataille électorale à Paris n’a plus la valeur de test national, c’est aussi que l’élection du maire de la ville capitale dépasse les enjeux du pays, en jouant à contretemps comme le révèle les chocs de l’élection de 2001 (victoire de la gauche) et celle de la présidentielle de 2002 (l’élimination de Jospin). Dès lors, Paris devient presque une énigme politique. Pour la résoudre, il faut plonger dans les rapports de force entre les partis, les intrigues de campagnes, l’évolution de la sociologie de la capitale, les choix municipaux ; et c’est le retour du local avec ses particularités (mouvement verts, disparition des nationalistes, etc.).

Avec la mandature Delanoë, Paris sort de l’exception, la capitale est au diapason des grandes villes de France (dominante de la gauche socialiste, chantier classique du tramway, bicyclettes en libre service comme à Lyon, manifestations culturelles sur les modèles nantais, etc.). Pourtant, le maire de Paris peut-il rester indifférent à l’image du «tremplin» qui est dans l’ADN de la ville ? En 2012, Bertrand Delanoë a choisi publiquement quand il déclare vouloir rester maire «à 100%» ; mais après ?

Ainsi, au fil de cette histoire politique de Paris, se dégagent des invariants et des évolutions. L’auteur n’évite pas 2014 et il a raison car l’histoire s’écrit aussi au temps présent. Les mêmes questions surgissent avec les mêmes interrogations sur les ambitions respectives des candidates des deux principaux partis (être ou ne pas être de Paris, quelle dimension politique pour être un bon candidat ? quel itinéraire suivre pour une campagne hors normes qui se décline d’ailleurs en 20 campagnes différentes ?). Du côté de l’inédit, il est déjà possible d’observer l’influence de l’élection présidentielle de 2012 (le retrait de François Fillon, l’atomisation du Centre, l’arrivée en force de «la vague bleue» de Marine Le Pen, etc.).

Pour le reste, rendez-vous fin mars 2014, mais le livre d’Yvan Combeau donne déjà beaucoup de clés pour comprendre cette élection exceptionnelle.

Pascal Cauchy
( Mis en ligne le 18/02/2014 )
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