L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

Printemps d'histoire - La khâgne et le métier d'historien, pour Hélène Rioux
de Ludivine Bantigny , Aline Benain , Muriel Le Roux et Collectif
Perrin 2004 /  29 €- 189.95  ffr. / 375 pages
ISBN : 2-262-02263-1
FORMAT : 16x24 cm

Ludivine Bantigny collabore à Parutions.com.

L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I.


Entre histoire et mémoire

L’ouvrage que publient les éditions Perrin est un hommage à Hélène Rioux, professeur d’histoire en hypokhâgne et en khâgne, décédée en mai 2002, peu de temps après avoir pris sa retraite.
Il s’agit en fait du second hommage à cette historienne généraliste. En effet, Au bonheur la France de Jean Pierre Rioux, publié au début de l’année 2004 par le même éditeur, était le livre qu’Hélène aurait voulu écrire. Son mari prêtait alors sa plume pour donner vie à son projet.

Cette fois-ci ce sont les amis et les collègues historiens ainsi que des anciens élèves qui se réunissent pour célébrer la mémoire de ce professeur charismatique, dont l’auteur de ces lignes eut lui-même la chance de suivre les cours au lycée Henri IV, lors de ses deux dernières années d’enseignement, et qui a su faire naître en lui comme en tant d’autres une vocation historienne.

L’ouvrage, assurément émouvant, est composé de deux parties bien distinctes. Dans un premier moment, «Histoires de khâgne», des collègues et amis évoquent la figure d’Hélène Rioux, et à travers elle la vie des classes préparatoires littéraires. On retrouve ici les noms de René Rémond, Michelle Perrot, Jean-François Sirinelli, Michel Winock, Jean-Pierre Azéma, Jean-Noël Jeanneney, ainsi que Dominique Borne et Daniel Henri, ses prédécesseur et successeur au lycée Henri IV.
Un second moment, «Historiens à leur métier», regroupe des textes d’anciens élèves devenus historiens, mais pas seulement. Chacun livre quelques pages issues de ses propres recherches, ce qui explique que l’on rencontre des sujets aussi divers que les historiens à Byzance à l’époque des Paléologues (Renaud Rochette), le film documentaire en RDA (Caroline Moine), l’ambassade indienne de 1788 (Thomas Hallier), la présidence des Etats-Unis et la masculinité (Davina Rowley)…

Au vu de la table des matière, le recueil peut sembler hétéroclite, mais il faut bien se souvenir que les auteurs ont, pour la plupart, suivi les leçons d’Hélène Rioux lorsqu’ils étaient en hypokhâgne et en khâgne, entre 18 et 20 ans, à un moment où ils n’avaient pas encore de champ de recherche déterminé. Par la suite, chacun a suivi sa route, vers l’histoire médiévale, moderne ou contemporaine. Hasard ou non, il faut noter qu’aucune communication ne porte sur l’histoire antique, période qu’Hélène Rioux affectionnait peu.

Pour rendre le volume cohérent, les coordonnatrices du projet se sont efforcées de regrouper autour de quelques thèmes centraux les textes envoyés par les anciens élèves: «Faire de l’histoire», «Elites et politique», «Cultures et identités nationales», «Ages et genres en histoire», «Imaginaires sociaux», «La ville objet d’histoire». Les regroupements fonctionnent bien, mais on peut toutefois regretter que tous les auteurs n’aient pas eu le souci de souligner l’influence de leur professeur sur leur propre parcours. Certains l’ont fait, tel Thomas Wieder, en introduction d’un texte consacré à la commission internationale contre le régime concentrationnaire (1949-1959) et le lien entre son propos et l’objet de l’ouvrage n’en paraît que plus évident.

Printemps d’histoire touchera tous les anciens élèves d’Hélène Rioux, tour à tour professeur de classe préparatoire à Claude Monet, Fénelon et Henri IV à Paris. Ils y retrouveront, surtout dans la première partie de l’ouvrage, les tics de langage de leur professeur, son affectueuse sympathie pour Marc Bloch, Martin Nadaud et Jean Jaurès, sa conception généreuse de l’enseignement, qui suscita tant de vocations. Les anciens d’Henri IV se jetteront en particulier sur l’excellent portait de la salle 35 tracé par Daniel Henri. Mais l’ouvrage intéressera aussi tous les anciens khâgneux qui trouveront ici l’évocation d’une atmosphère ineffable. Au-delà de ce public fervent, mais somme toute restreint, Printemps d’histoire est à conseiller à ceux qui souhaitent se tourner vers le métier d’historien ou lire de solides articles écrits par de jeunes chercheurs et prendre ainsi conscience de la diversité de la recherche contemporaine.

Une question se pose cependant : Hélène Rioux, ne l’oublions pas, ne cessait de s’insurger contre le devoir de mémoire érigé en dogme et aurait préféré lui substituer un devoir d’histoire. Qu’aurait-elle alors pensé de cet ouvrage dédié à sa propre mémoire ?...

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 05/01/2005 )
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