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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Le docteur Ménétrel - Eminence grise et confident du maréchal Pétain
de Bénédicte Vergez-Chaignon
Perrin 2002 /  22,70 €- 148.69  ffr. / 409 pages
ISBN : 2262014647

Le Père Joseph du Maréchal ?

Parmi les légendes suscitées par le régime de Vichy et son sérail bruissant d’intrigues, celle attachée à la personne de Bernard Ménétrel était sans doute l’une des plus tenaces, jusqu’à la parution récente de la biographie que lui consacre Bénédicte Vergez-Chaignon.

Longtemps regardé comme l’éminence grise sinon le mauvais génie du maréchal Pétain, l’homme a alimenté les fantasmes et nourri les débats sur son influence réelle ou supposée chez ses contemporains comme chez les mémorialistes et les historiens de la période, non sans quelques fondements d'ailleurs. Fils de Louis Ménétrel qui fut le médecin et l’ami du héros de Verdun, lui-même interne des hôpitaux de Paris, il hérite, à la mort de son père en 1936, de la clientèle de ce prestigieux patient ainsi que de la responsabilité de son secrétariat particulier. Une réelle relation de confiance et d’affection unit les deux hommes - le tutoiement est de rigueur - au point qu’il accompagne le maréchal dans l’exode du gouvernement en juin 1940. L’avènement du régime de Vichy propulse l’intime du nouveau chef de l’État français au cœur physique du pouvoir. Il ne le placera cependant pas au centre de la décision politique, comme l’auteur le démontre de façon convaincante.

Certes, sa double position de médecin personnel et de secrétaire particulier de Pétain fit de lui l’ombre portée du maréchal et lui valut la sulfureuse réputation de conseiller occulte et omnipotent. Laval était-il renvoyé le 13 décembre 1940 ou rappelé en avril 1942 ? Ménétrel l’avait voulu. Les Juifs et les francs-maçons furent-ils persécutés ? Ménétrel l’avait souhaité. Cette proximité de tous les instants - et de tous les clichés - n’impliquait cependant pas qu’il fût le mentor du maréchal. L’indigence de sa culture politique, somme toute assez rudimentaire, plaida au premier chef contre lui. Fait de bric antidémocratique et de broc antisémite, son profil idéologique alliait à une rhétorique nationaliste une germanophobie viscérale. Néanmoins, son absence de projet politique clairement formulé comme son inclinaison à ne considérer que les problèmes les plus ponctuels démonétisent largement la réalité de son influence. En outre, la place d’éminence grise signifierait que l’on se trouvât seul pour emporter la décision ; or, rien n’est moins évident. Le chef de l’État français aimait décider seul, lorsque quelque latitude lui en fut laissé ; enfin, il fut soumis à une multiplicité d'influences, à commencer par celle de son entourage : les différents collaborateurs de ses cabinets civil et militaire notamment Henry du Moulin de Labarthète, le général Laure, ou des électrons libres tels Lucien Romier ou René Gillouin…

L’ouvrage de Bénédicte Vergez-Chaignon met par ailleurs en lumière les coulisses de Vichy, les relations plus ou moins conflictuelles des différents entourages politiques au principe des décisions. Le rôle de Ménétrel fut en somme limité, sauf peut-être en matière de propagande. Le livre remet donc l’influence du médecin à sa juste proportion. Il offre enfin le mérite de faciliter le déchiffrage de l’énigme si goûtée par l’opinion des conseillers intimes.

Jérôme Cotillon
( Mis en ligne le 22/03/2002 )
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