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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Léon Noël, de Laval à de Gaulle via Pétain (1888-1987)
de Yves Beauvois
Presses universitaires du Septentrion 2001 /  30.49 €- 199.71  ffr. / 469 pages
ISBN : 2-85939-646-2

Léon Noël, de Laval à de Gaulle via Pétain

Dans la longue théorie des indéfectibles serviteurs de l’État, Léon Noël occupe une place aussi éminente qu’hypothéquée dans le souvenir de certains par la signature, face à Hitler, de l’armistice au nom du maréchal Pétain, le 22 juin 1940 à Rethondes.

Pourtant, l’essentiel de sa fort longue carrière fut consacré au service de la puissance publique. Reçu second au concours du Conseil d’État en 1912, il se tourne vers les questions religieuses dont le règlement demeurait épineux depuis la séparation de 1905. Il se distingue par l’équité et l’efficacité de son action, notamment dans l’affaire des diocésaines où il fit montre de grands talents de négociateur et sut acquérir une petite renommée internationale.

La récompense ne se fit pas attendre : il est nommé à la fin de 1927 délégué général du Haut-commissariat de la République dans les provinces rhénanes, préfet du Haut-Rhin en 1930, puis, à la demande de Pierre Laval, tout nouveau président du Conseil, directeur de la Sûreté générale et secrétaire général du ministère de l’Intérieur à partir de janvier 1931. En moins de quatre années, le juriste rigoureux et subtil connaisseur des questions religieuses l’avait cédé au fin manoeuvrier des relations internationales.

Pierre Laval ne s’y trompe pas puisqu’il le nomme ministre de France à Prague en 1932, alors que ce dernier occupait par ailleurs les fonctions de secrétaire général de la présidence du Conseil. En 1935, c’est le même qui l’envoie à Varsovie en qualité d’ambassadeur, bien que les lambris du Palais Farnèse eussent davantage complu à Noël. Il y demeure néanmoins jusqu’à l’attaque et l’effondrement de la Pologne en 1939. La drôle de guerre fut également une «drôle d’ambassade» pour le représentant français qui accompagna dans son exil angevin le gouvernement polonais jusqu’en juin 1940.

Léon Noël est alors envoyé à Rethondes aux côtés du général Huntziger puis nommé délégué général du gouvernement français en zone occupée. Son action à ce poste fut strictement dictée par deux impératifs : le respect scrupuleux des conditions de l’armisitice et l’affirmation de la souveraineté du gouvernement français sur le territoire national. Sur ces points, il s’opposa rapidement à Laval, devenu entre-temps vice-président du Conseil, qui l’éconduisit de ses fonctions le 16 août 1940. Il eût pu participer sans difficulté et à de hautes fonctions au régime de Vichy, mais il n’en fut rien. « Ni dauphin du maréchal, ni successeur de Jean Moulin », Léon Noël resta en relatif retrait pendant la guerre, penchant prudemment du côté de la résistance gaulliste.

La Libération ne lui créa guère d’inquiétudes, bien que son image ressortît troublée sinon ternie par son bref passage à Vichy. Nommé vice-président du Conseil d’État en 1944, il se met au service du général de Gaulle dont il rejoint le Rassemblement pour la France en 1948 et sous les couleurs duquel il est élu député de l’Yonne en 1951. Tardif et bref passage en politique qui traduit son total retour en grâce et préfigure le couronnement d’une carrière pleinement vouée au service de l’État.

En effet, le président de la toute nouvelle République lui confie en 1959 la première présidence du Conseil constitutionnel. À la tête de cette institution, et malgré son attachement à la personne du général, il a su se poser en gardien de l’orthodoxie constitutionnelle, non sans difficulté quand on sait combien de Gaulle regardait avec condescendance cette haute autorité. Il la présidera jusqu’en 1965.

Issu d’une thèse de doctorat d’histoire, le livre de Beauvois honore tout à fait le genre périlleux de la biographie. Il obvie parfaitement aux risques d’une surévaluation du rôle de son personnage tout en démontrant comment le parcours d’un individu et l’histoire de son siècle se compénètrent, se complètent, s’enrichissent réciproquement. Il fait enfin justice, au-delà de ses différents méandres, au long et brillant parcours d’un des grands commis de l’État.

Jérôme Cotillon
( Mis en ligne le 09/02/2003 )
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